Américaine d'origine japonaise, Julie Otsuka fait preuve de virtuosité dans ce roman historique. Avec sobriété et sans pathos, elle raconte l'épopée de ces immigrantes japonaises qui, au début du XXe siècle, ont quitté leur pays pour épouser aux États-Unis un compatriote dont elles ne connaissaient que la photo.

On les suit pendant la traversée, la nuit de noces, les travaux dans les champs et les blanchisseries. Elles donneront naissance à des enfants qui bouderont leur langue et leurs traditions. Lorsque survient la Deuxième Guerre mondiale, leurs maris sont considérés comme des traîtres et leurs familles entières sont déplacées dans des camps d'internement.

Comme un choeur antique, l'écriture à la première personne du pluriel porte la voix de toutes ces femmes pour raconter les humiliations, les misères, les déceptions et la vie quotidienne. Les détails historiques sont nombreux, bien documentés. Dans le dernier chapitre, l'auteure donne la parole aux Américains qui se souviennent à peine de leurs ex-voisins.

L'écriture de Otsuka a un rythme incantatoire, une douce musicalité. Puissance, densité et limpidité caractérisent ce roman exceptionnel qui a reçu le Pen/Faulkner Award for Fiction.

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Certaines n'avaient jamais vu la mer, de Julie Otsuka. Phébus, 144 pages





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