Amateurs de randonnées et de l'hilarant Bill Bryson (nombreux depuis Une histoire de tout, ou presque..., prix Aventis de vulgarisation scientifique 2004), sachez qu'un nouveau récit de voyage vient d'être traduit en français. Cette fois, Bill Bryson s'attaque à l'Appalachian Trail (AT), un sentier pédestre qui traverse les Appalaches sur plus de 3500 kilomètres, de la Géorgie au Maine.

Américain vivant en Angleterre, l'auteur est retourné habiter aux États-Unis pendant quelque temps, dans les années 90. Il a eu le temps d'en faire un livre ou deux (dont American Rigolos) et d'affronter le sentier mythique en compagnie de son ami d'enfance, Stephen Katz, obèse depuis qu'il a délaissé la bouteille. Devenu hystérique après quelques heures de marche, Katz balancera d'ailleurs une partie des vivres dans la nature... Trop lourd!

Mais qu'est-ce qui pousse deux quadragénaires plutôt sédentaires à suer volontairement par monts et par vaux, à se laisser dévorer par les brûlots (en québécois dans le texte), à risquer l'hypothermie, la rencontre d'un ours ou d'un dégénéré armé d'un fusil? À la fois las et émerveillé par cette forêt sans fin - «il y a des moments où les arbres, ça commence à bien faire!» -, Bryson se lève et se couche avec le soleil, «béatement absorbé par le simple fait d'avancer». Après une tempête de neige, Katz, lui, ne songera plus qu'à écouter X-Files en buvant du cream soda dans un motel.

On ne s'ennuie jamais quand Bryson raconte son périple, ses rencontres dans des coins reculés et les affres de la randonnée (dortoirs crasseux, repas infects et port de l'énorme sac à dos). Son récit est truffé de scènes marquantes et de personnages hauts en couleur - Robert Redford projette d'ailleurs d'en faire un film, dans lequel il jouerait en compagnie de Nick Nolte. Avec humour, Bryson raconte l'histoire du sentier et des villes qu'il traverse, la transformation du paysage, la disparition de la faune et de la flore. Un cas stupéfiant: la ville fantôme de Centralia, en Pennsylvanie, fume littéralement en raison de l'incendie d'une mine de charbon, actif depuis 1962! Bien qu'intéressants, les nombreux apartés ont toutefois le défaut de freiner la lecture.

En faisant le portrait de l'AT, qui a connu son lot de meurtres, Bryson fait aussi celui de son pays natal: «En 20 minutes passées sur le sentier des Appalaches, Katz et moi marchions davantage qu'un Américain moyen en une semaine», remarque-t-il. «En Amérique, hélas, la beauté implique un trajet en voiture et la nature est affaire de tout ou rien: soit vous la domptez sans ménagement [...], soit vous la déifiez, la traitez comme quelque chose de sacré, de distant, tel le sentier des Appalaches. On ne peut pas croire que les gens et la nature puissent cohabiter pour leur bénéfice mutuel.»

Son passage le plus périlleux? Se rendre au K-Mart pour acheter de l'insecticide en traversant une autoroute à six voies, sans trottoirs ni terre-plein...

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Promenons-nous dans les bois. Bill Bryson. Traduit par Karine Chaunac. Payot. 352 pages.