En 1962, Daniel Boorstin (1914-2004) parvenait à un constat troublant: «Nous habitons [...] une réalité factice: le monde de l'image.»

Un demi-siècle plus tard, l'ouvrage phare et prémonitoire de cet historien américain paraît chez Lux dans une nouvelle traduction. Et il a bien vieilli.

Tout conservateur qu'il fût, l'auteur a accouché d'une virulente critique de la «société des spectacles». Il dépeint une époque - la nôtre - désorientée, et jette un regard cru sur un monde d'images «préfabriquées» - le star-system, notamment - conçues pour combler le «vide abyssal» de l'existence de l'Américain contemporain.

Copieux essai? Vrai. Mais l'approche est plus factuelle que théorique. Selon Boorstin, la «révolution de l'image» n'aurait pas vu le jour sans de louables innovations techniques. Commence ainsi l'histoire captivante - et décapante! - du journalisme, des sondages d'opinion, du tourisme, du vedettariat, des slogans publicitaires, des best-sellers, etc. Tous ces phénomènes concourent à l'apparition de «pseudo-événements», fabriques à illusions qui vont au-delà du vrai et du faux.

L'image a ainsi triomphé des idéaux. Le spectacle, du débat d'idées. Et on offre à la «masse» ce qu'elle sait déjà. On ne l'instruit pas. Résultat: «Les frontières de notre monde sont tapissées de miroirs: peu importe où l'on regarde [...], nous ne découvrons plus que nous-mêmes.»

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Le triomphe de l'image. Daniel Boorstin Traduction de Mark Fortier. Lux éditeur, 334 pages