Moscou, en 1939. Staline est persuadé que Hitler s'apprête à envahir la Russie. Il a placé beaucoup d'espoir dans la production du char T-34, un monstre de 30 tonnes, seule arme susceptible de faire échec aux redoutables panzers allemands.

Baptisé «le cercueil rouge» à cause de ses défaillances en situation de combat, le char n'est pas encore opérationnel. Quand son concepteur, le colonel Nagorski, est trouvé assassiné, Staline confie la délicate affaire à l'inspecteur Pekkala. Tiré du goulag où il croupissait, ce flic d'élite était le garde du corps et le meilleur enquêteur du défunt tsar Nicolas II, exécuté par les révolutionnaires.

Telles sont les prémisses du thriller historique Le cercueil rouge, de Sam Eastland, récit qui fait suite à L'oeil du tsar rouge publié en 2010. Qui a commandité le meurtre de Nagorski? Plusieurs groupes avaient intérêt à saboter ce programme militaire ultrasecret: les nazis, bien sûr, mais aussi et surtout la Confrérie blanche, un groupe d'anciens militaires tsaristes qui vouent une haine farouche à Staline et à ses sbires. Tout comme dans le premier roman, Eastland nous entraîne au coeur même de l'histoire tourmentée de la Russie à la veille de la Seconde Guerre mondiale, avec des retours en arrière à l'époque du tsar, où l'on croise, entre autres, la figure sinistre de Raspoutine, le moine fou, un favori de la tsarine Alexandra qui détestait Pekkala.

Ces retours en arrière, qui sont autant de vignettes historiques, assaisonnées d'anecdotes savoureuses, sont parmi les meilleurs passages de ce récit riche en atmosphère, avec un personnage central particulièrement réussi. Sam Eastland est un de ces rares auteurs de polars qui peuvent se vanter d'avoir trouvé l'équilibre parfait entre les exigences formelles du thriller et de l'érudition. Une belle réussite...

Nouveau tandem

À l'instar d'Ian Rankin, qui a laissé tomber John Rebus, son personnage fétiche, John Harvey a mis fin à la série des enquêtes de Charlie Resnick, pour introduire deux nouveaux protagonistes, le tandem Will Grayson et Helen Walker qui a fait une première apparition remarquée dans Traquer les ombres (Rivages, 2009). Les revoici dans Le deuil et l'oubli, un roman de procédure policière de facture très classique qui ravira les amateurs de ce style de récit. L'intrigue comprend deux volets, soit la libération d'un pédophile, que Will Grayson aimerait bien coincer à nouveau, et la disparition de Béatrice, une enfant de 10 ans dont la mère, Ruth, a déjà perdu une autre fille dans des circonstances tragiques, 14 ans plus tôt.

Avec un art consommé de la narration, John Harvey met en place les principaux éléments de ce récit d'une certaine complexité, tisse sa toile lentement pour nous entraîner progressivement dans une histoire tragique à la construction magistrale, avec des protagonistes attachants et crédibles qui vont s'apercevoir que la folie et le crime ne sont pas toujours là où on les attend. Une série à suivre...

Le mythe suédois

Olle Lönnaeus est un journaliste suédois qui nous propose Ce qu'il faut expier, un premier polar ambitieux, sur le thème de la mémoire et du racisme. Quand les parents adoptifs de Konrad Jonsson sont abattus d'une balle dans la nuque, ce dernier revient à Tomelilla, petite ville de Scanie où il n'a pas mis les pieds depuis 30 ans. À cause des 12 millions gagnés à la loterie par les victimes et dont il hérite, il devient le principal suspect.

«Le bâtard de Pollack», comme on l'appelait, décide de mener une double enquête: qui a tué les Jonsson? Et qu'est devenue sa mère, disparue quand il avait 7 ans? Au fur et à mesure qu'il progresse dans son enquête, il met à jour quelques vérités nauséabondes sur un pays au passé douteux (collaboration avec les nazis, montée du néo-fascisme) et gangrené par le racisme. Ce qu'il faut expier est un récit dense, au rythme lent, dans lequel l'auteur excelle dans le sport favori de nombre de ses collègues: déboulonner le mythe suédois. Et ma foi, il y réussit fort bien...

Le cercueil rouge

Sam Eastland

Anne-Marie Carrière, 330 pages, 34,95$

****

Le deuil et l'oubli

John Harvey

Rivages, 448 pages, 34,95$

*** 1/2

Ce qu'il faut expier

Olle Lönnaeus

Liana Lévi, 393 pages, 36,95$

*** 1/2