Depuis Mourir m'enrhume, publié en 1987, Éric Chevillard aime jouer avec le sens des mots et de la littérature. Dans Dino Egger, l'auteur français, qui signe depuis quatre ans le blogue L'Autofictif (devenu trois livres depuis), pousse très loin l'absurde en écrivant sur quelqu'un... qui n'existe pas.

À quoi ressemblerait le monde sans Einstein, Hitler, Martin Luther King? se demande-t-on souvent. Le narrateur Albert Moindre va plus loin: «Il serait juste de rétablir Dino Egger parmi ces figures, en considération du vide que son inexistence a laissé dans l'histoire.»

Albert Moindre, parfait anonyme, se plaît donc à inventer une vie à Dino Egger: quels seraient ses parents, dans quel siècle pourrait-il être né, sur quel continent, quels auraient été ses passions, son caractère, sa vie?

Dans ses recherches, il se creuse la tête et dresse la liste (en tout, 126 éléments) de ce qu'aurait pu inventer Dino Egger («Dino Egger, tout de même!» s'emballe-t-il régulièrement): le funiculaire stellaire, la permanence du faon, le calendrier des coïncidences, le fil à recoudre le beurre... le monde est vraiment passé à côté d'un personnage exceptionnel, croit Albert Moindre.

On rigole souvent dans Dino Egger, mais passé l'effet de surprise, on se demande si cette idée n'aurait pas mieux été traitée sous forme de nouvelle.

Ne boudons pas notre plaisir malgré tout: même si la mise en abîme finit peut-être par aller trop loin (Albert Moindre est-il Dino Egger?), la lecture de ce court roman s'avère jouissive d'un bout à l'autre, exercice de style brillant écrit au conditionnel. Il faut le faire.

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Dino Egger. Éric Chevillard. Les éditions de Minuit, 160 pages.