L'idée du Long retour est bonne: un homme revient à Montréal après avoir vécu 30 ans en Argentine et observe les changements - culturels, architecturaux, politiques- survenus dans la ville. Au moment de son départ, le boulevard René-Lévesque s'appelait encore Dorchester, et une écrasante majorité d'anglophones assistaient aux concerts de l'OSM à la Place des Arts. Léo retrouve aussi sa famille, trois soeurs et un frère, au moment où son père vient de mourir. Il devra refaire connaissance avec eux, faire la paix avec son identité juive et enfin, s'ouvrir à l'amour.

Le regard de Naïm Kattan, figure majeure des lettres québécoises, conserve toute son acuité pour saisir les traits de la société dans laquelle il vit, pourtant, on a parfois l'impression que sa grille d'analyse commence à dater: anglo-franco, juif-catholique, c'est vrai que Léo a été absent pendant plusieurs décennies, mais l'esprit ambiant de Montréal ne ressemble plus à ce clivage qu'il continue de voir partout. On peut trouver malgré tout un intérêt dans ses observations, apprécier sa réflexion sur l'art et l'accomplissement personnel, on aime beaucoup moins cependant des personnages complètement désincarnés, des histoires racontées à coups de longs monologues - chaque membre de la famille s'épanche dans les bras du frère prodigue- écrites comme des archétypes. À force de fuir le sentimentalisme, Naïm Kattan a malheureusement écrit une oeuvre sans vie.

Hurtubise, 300 pages