Le Prix Nobel de littérature José Saramago a écrit Caïn peu de temps avant sa mort en juin 2010. Ce dernier roman de l'auteur portugais est maintenant traduit en français et on y retrouve, intacte, sa maîtrise unique de la narration.

Malgré sa forme parfois lourde - des paragraphes de plusieurs pages, des noms propres écrits sans majuscule- et un sujet qui peut sembler aride - l'Ancien Testament revisité, rien de moins-, Saramago a écrit, grâce à son humour décapant et son érudition profonde, un roman qui est tout sauf barbant, véritable road trip biblique ironique. Surtout, au crépuscule de sa vie, l'écrivain y a réitéré toute son absence de foi, transmettant par le regard de Caïn sa vision d'un dieu injuste et cruel. «L'histoire des hommes est l'histoire de leurs mésententes avec dieu, il ne nous comprend pas et nous ne le comprenons pas», dit le narrateur, qui raconte et commente l'errance de Caïn dans l'espace biblique, ses rencontres avec Abraham, Lilith et Job, ses passages à Jéricho et Sodome, et surtout ses confrontations avec le seigneur, dont il constate peu à peu la vraie nature. Souvent très drôle, antireligieux mais empreint de compassion, Caïn est le testament d'un homme libre qui, par son oeuvre, a rendu le monde moins ignorant et plus sceptique.

Traduit du portugais par Geneviève Leibrich

Seuil, 170 pages