Après le succès mondial du Violoncelliste de Sarajevo il y a deux ans, l'auteur canadien Steven Galloway voit son précédent roman, Le soldat de verre, enfin traduit en français chez Alto. Enfin, car ce deuxième roman, titré Ascension en anglais, a été publié en 2003, traduit en huit langues (dont le grec, le suédois et l'espagnol) et publié dans 11 pays. Le fossé entre les deux solitudes est parfois long à franchir.

Le soldat de verre a pourtant tous les éléments d'un livre à succès: une histoire forte, une écriture limpide, une portée universelle. Raconteur exceptionnel, Steven Galloway décrit le parcours de Salvo Ursari, funambule hors du commun, de ses années d'errance dans l'Europe centrale de l'entre-deux-guerres jusqu'au rêve américain, en passant par une maison de campagne en Colombie-Britannique. Rythmé par les mystérieux contes roms de l'enfance de Salvo, Le soldat de verre allie destin personnel, saga familiale et grande histoire avec habileté. Surtout dans sa première partie, pendant laquelle le jeune homme cherche sa voie et sa place dans le monde, sur fond d'intolérance envers ce peuple toujours ostracisé qu'est celui des gitans.

On suit donc Salvo Ursari, sa jeunesse en mode survie, sa traversée en Amérique, ses années de succès au cirque Fisher-Fielding où il travaille avec toute sa famille. Car Le soldat de verre est autant l'histoire de la passion d'un homme pour une discipline que celle d'une famille qui, malgré les revers et les différences, reste unie jusqu'au bout. Le numéro qui rendra les Ursari célèbres, la «maison», pyramide humaine construite à des dizaines de mètres du sol, en est le symbole. Le fil de fer devient ainsi le fil d'une vie qu'il faut maîtriser, car le moindre faux pas peut littéralement vous tuer, et entraîner les autres avec vous.

Mais au-delà de la métaphore, Le soldat de verre reste une formidable histoire qui tient en haleine d'un bout à l'autre. La dernière partie du roman s'essouffle un peu, quand l'auteur veut boucler la boucle un peu rapidement de plusieurs vies, et l'intérêt du lecteur diminue légèrement. Pas assez cependant pour ne pas s'émouvoir de cette trajectoire qui ramène toujours Salvo Ursari à son fil de fer, malgré les longs détours. Jusqu'à la fin, même dans ses traversées en solitaire, l'homme ne connaîtra la sensation d'être en vie que tout là-haut, entre ciel et terre. Et il nous entraînera avec lui dans sa danse fascinante avec le danger et la mort.

Le soldat de verre

Steven Galloway

Alto, 414 pages

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