Au Salon du livre, je n'ai pas l'habitude de m'arrêter beaucoup dans les panels. Trop de bla-bla inutile, trop d'amicale convergence... Hier, toutefois, j'avais mis sur ma feuille de route, très légèrement notée par ailleurs, le panel qu'animait Stanley Péan sur le polar. Un genre qui, depuis que j'ai découvert Edgar Allan Poe il y a quarante ans, me procure de belles heures, après mes lectures obligatoires sur le déficit identitaire québécois. Hier, j'ai passé une belle demi-heure à entendre trois spécialistes du genre - tous de la Courte Échelle - en parler avec humour et passion. Ou peut-être sont-ils juste fous...

Chrystine Brouillet ne s'en cache pas: elle s'est lancée dans le polar «pour fuir la tentation autobiographique»... mais ladite tentation l'aurait retrouvée, aidée en cela, entend-on sur la Grande-Allée, par la détective Maud Graham dont la huitième enquête, Silence de mort est en lice pour le Prix du public La Presse/Salon du livre de Montréal. «Sans le polar, dira l'auteure du Poison dans l'eau, j'en aurais été réduite à raconter mes minables histoires d'amour, auxquelles seules quelques copines se seraient intéressées...»

 

Sylvain Meunier, lui, vient de remporter le Prix du roman policier de Saint-Pacôme pour L'homme qui détestait le golf, une histoire à forte teneur autobiographique, l'ancien prof ne cachant aucunement son aversion pour «ce sport qui n'en est pas un», avec ses grands espaces réservés où ses adeptes s'amusent à frapper, chacun pour soi, «une petite balle blanche qui ne bouge pas». Et «qui ne leur a rien fait», dira-t-il aussi à La Presse. Pas la drive anti-golfique qui manque ici...

M. Meunier s'est tourné vers le polar quand son ancien éditeur a refusé de publier un de ses romans: «Par frustration. Par un désir profond de tuer, mais comme le meurtre réel ou la tentative de meurtre implique plusieurs aléas, j'ai décidé d'écrire...» Le monsieur joue l'anormal...

Quant à André Marois, il se consacre au «néo-polar» par peur de la mort, purement et simplement: «Quand j'assassine les autres, je me prouve que je suis encore en vie...» Le néo-polar façon Patrick Manchette est un roman de critique sociale souvent porté à son paroxysme, comme ce personnage de Marois, dans une des nouvelles de son recueil Du cyan plein les mains, lettré à l'esthétisme exacerbé qui décide de tuer tous ceux qui, autour de lui, créent «des choses laides». «Une job à plein temps», a souligné Péan...

Un jour, un critique (social) et/ou lecteur (tanné) décidera peut-être de tuer tous les auteurs de mauvais livres. Bombe sous le panel, poètes pendus par leur foulard, mort-aux-rats dans le vin du Conseil des arts... Question de faire un peu de place dans le Salon.

Inversement, un auteur doté d'une forte conscience sociale pourrait aussi décider de débarrasser la cité des mauvais critiques. Moi, par exemple, qui ai récemment reproché à Benoît Gignac (Québec 68 - L'année révolution) d'avoir écrit que le canal 2 (R.C.) présentait dans le temps du hockey deux fois par semaine. Vous pouvez aller lui dire ce soir au stand des Éditions La Presse (19 h) que Lemay était dans le champ ben raide...

Moi, pendant ce temps, tapi dans l'ombre, j'attendrai la sortie de ma source «généralement bien informée».