Mylène Paquette, devenue l'an dernier la première femme nord-américaine à parcourir l'océan Atlantique Nord à la rame en solitaire, raconte son aventure dans le livre Dépasser l'horizon, qui sera lancé demain soir. Notre journaliste, qui a suivi sa traversée de près pour la section des sports, s'est entretenu avec elle.

Pourquoi avoir écrit ce livre?

Tout le monde me disait que ma traversée avait été super inspirante et spectaculaire, mais pour moi, le plus spectaculaire était de me préparer pour la faire. Je pense aussi que j'avais besoin de répondre à des questions qu'on me posait souvent, du genre: «Pourquoi t'es-tu embarquée là-dedans?» Ce fut presque thérapeutique. Ça m'a fait revisiter les six dernières années de ma vie.

Tu parles beaucoup des nombreux sacrifices, dont certains très personnels, que tu as dû faire afin de pouvoir mener ton projet à terme. À quel point était-ce important pour toi que les gens comprennent ce à quoi tu as dû renoncer pour réaliser ton rêve?

Je me suis dit que ça pouvait peut-être donner du courage à certaines personnes. Il y a plein de choses que nous n'avons pas mises dans le livre, mais c'était important pour moi d'évoquer quand même certains passages. On parle toujours de la traversée comme telle, mais ce que j'ai trouvé le plus difficile, ce sont les 1850 jours de préparation. Dans un sens, ça m'a permis de remettre les pendules à l'heure, alors que j'ai pu expliquer que ce n'est pas juste dans l'océan que ça a pris du courage.

On constate d'ailleurs qu'à tes yeux, l'échec n'était tout simplement pas une option.

Exactement. J'avais trop mis ma vie en jeu pour que ça ne fonctionne pas. Si ça ne se passait pas en 2013, c'était certain que je remettais ça en 2014. J'avais besoin de vivre cette grande aventure.

En lisant ton récit, on comprend que la peur et le doute t'ont habitée tout au long de ton voyage, et ce, avant même ton départ.

On n'en parlait pas durant la traversée, mais le doute était omniprésent. Mon équipe a travaillé très fort afin de me préserver et de faire en sorte que mes doutes soient par rapport aux conditions météo, et non à moi-même.

Dirais-tu que, d'une certaine manière, tu as vécu ta traversée une deuxième fois en écrivant ce livre?

C'est drôle, parce que pour écrire cet été, je me suis enfermée dans un chalet sur la Côte-Nord sans avoir accès à l'internet. J'appelais des membres de mon équipe pour leur demander de m'envoyer des rapports météo pour certaines dates de la traversée, et je me suis rendu compte qu'on m'avait parfois caché la vérité un peu. Pendant l'été, j'ai réalisé à quel point les membres de mon équipe avaient travaillé fort pour me ménager. On ne me faisait pas part des mauvaises nouvelles.

Y a-t-il un passage du récit qui t'a touchée plus particulièrement lorsque tu l'as mis par écrit?

Celui avec mon père, lorsque je suis retournée vivre chez mes parents. À un moment où je voulais tout abandonner, il me disait que sa fille n'était pas une lâcheuse. J'ai pleuré, surtout qu'il me disait que j'étais folle au début. Il y a aussi lorsque je raconte avoir rempli ma demande d'aide sociale, que je n'ai jamais envoyée. Je trouvais important d'inclure ce passage, car ça démontre que même lorsque tu te rends jusque là, tu peux quand même t'en sortir.

Ton livre vient-il en quelque sorte mettre un point final à ton aventure?

Ça vient boucler la boucle, mais je vais quand même continuer de donner des conférences. D'ailleurs, nous sommes «bookés» jusqu'en avril 2016. Je ne veux pas que ça se termine là. En même temps, je sens que je peux enfin m'adonner à mes projets à voile. J'adore donner des conférences, mais ça ne m'empêchera pas de continuer. Je veux encore naviguer et parler d'environnement.

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Dépasser l'horizon. Mylène Paquette. Éditions La Presse, 336 pages.