On l'a découvert ici avec son délirant Zaï zaï zaï zaï, comédie absurde sur l'État sécuritaire et les dérives des médias. Après un manque d'inspiration qu'il a illustré dans Pause, Fabcaro revient à la charge avec un album cinglant sur les relations amoureuses.

Zaï zaï zaï zaï l'a révélé au grand public. C'était pourtant son 30e album! «J'étais habitué à vendre 3000 ou 4000 exemplaires par titre, nous dit Fabrice Caro, donc ç'a été une grosse surprise pour moi et pour mon éditeur de voir cet album connaître le succès qu'il a eu.»

D'où la sortie d'un album intermédiaire, Pause, centré sur cette période post-Zaï zaï, où l'auteur a été confronté au succès de l'album - vendu à plus de 110 000 exemplaires et en cours d'adaptation cinématographique - et à la panne d'inspiration qui a suivi.

Qu'a-t-il fait pour se relancer? A-t-il fait un voyage au Pérou? «Non, répond amusé l'auteur d'un faux carnet de voyage au Machu Picchu. Il a fallu laisser reposer tout ça, prendre du recul et surtout ne pas essayer de refaire Zaï zaï... Je voulais rester dans de l'humour absurde, mais je voulais changer la forme et le propos.»

Les premières répliques des protagonistes d'Et si l'amour c'était aimer? - Henri et Sandrine - donnent le ton.

(Lui) Chérie, je suis rentré!...

(Elle) Ça va mon chéri? Tu as passé une bonne journée?

(Lui) Éreintante, mais ça va...

(Lui) À un moment, à la cafèt, Richard a confondu le sel et le poivre, du coup il a mis du poivre dans sa paëlla...

(Elle) Ah ah ah! Mon chéri, avec toi la vie est une suite de surprises renouvelée chaque jour...

(Lui) À ce propos, j'ai une faim de loup, tu as prévu quelque chose?

Elle) J'ai commandé de la macédoine, j'ai pensé que ça te ferait plaisir...

(Lui) Ma chérie... Je crois qu'il n'y a rien de plus beau au monde que le concept de couple et de vie à deux...

«Il s'agit d'une parodie des romans-photos des années 80, nous explique Fabcaro. J'aime prendre des codes existants et les détourner, nous explique-t-il. Je trouvais que les codes du roman-photo se prêtaient à ça. C'est très codifié comme narration, donc je me suis dit que ça pouvait être amusant de reprendre ce cadre-là et d'y insérer mon histoire qui traite de l'usure du couple.»

Le titre de l'album - Et si l'amour c'était aimer? - fait d'ailleurs écho à cette parodie. «Je cherchais un titre très cucul en fait, avec le mot "amour". Quelque chose qui soit très à l'eau de rose. Donc, ce titre m'est venu à l'esprit, ça m'a fait rire, et on l'a gardé. Un pléonasme comme ça, qui ne veut rien dire.»

Des dessins détaillés

Les traits épurés de Zaï zaï (sur fond or) ont fait place à des dessins beaucoup plus détaillés, quoique très froids, mais toujours en noir, avec un vert-de-gris en aplat.

«Oui, c'est ce que je cherchais, admet-il. Ce dessin très froid avec un propos absurde, pour que ce soit décalé.» 

«C'eût été redondant de faire des dialogues absurdes avec des dessins humoristiques. Je trouvais ça drôle d'avoir des personnages très figés qui disent n'importe quoi.»

Sur le plan des relations amoureuses, Fabcaro est cinglant. Dans l'histoire, Sandrine tombera amoureuse du livreur de macédoine, un certain Michel, qui chante dans un groupe rock.

«C'est vrai, admet le bédéiste, qu'il peut y avoir un petit côté désabusé sur les relations de couple. On m'a dit que c'était noir comme album. Pourtant, je suis moi-même en couple et tout va très bien. Mais autour de nous, il y a plein de divorces. On se dit que tôt ou tard, ça va finir. On ne fait plus vraiment l'effort quand ça ne va pas, et puis on se sépare.»

Une satire sur l'art engagé

Sur l'art en général et la musique engagée en particulier, Fabcaro est impitoyable. Dans une chanson, le personnage de Michel dénonce «la société pleine de fric», pendant que «des enfants d'Afrique vont dans les mines de charbon». Il posera la question à ses collègues: «Un artiste qui ne dénonce pas les injustices est-il encore un artiste?»

«Ils se sentent investis d'une mission, met en contexte le bédéiste, ce qui les amène faire passer des messages dans leurs chansons. Alors que moi, je crois aussi à l'art pour l'art, qui n'est pas nécessairement engagé dans quelque chose. J'aime les non-sens pour les non-sens, l'absurde pour l'absurde.»

À travers ce récit absurde, il y a de petits intermèdes dessinés avec minimalisme, où toutes sortes de gens commentent l'histoire d'Henri et Sandrine. Qui des convives autour d'une table, qui un patient à son psychothérapeute, qui un conférencier...

«C'était pour moi de petites pirouettes pour rythmer le récit. J'avais peur qu'avec ces dessins très fouillés, très détaillés, ce soit indigeste. C'est comme une respiration graphique. Je me suis mis à imaginer que cette histoire de couple était suivie par la société. Ce sont des gens qui commentent leur récit, comme s'il s'agissait d'une série où tout le monde ne parle que de ça.»

D'ici là, il planche sur son nouveau projet de bédé pour Glénat, un album intitulé: Moins qu'hier plus que demain, qui devrait sortir en avril 2018. «Ce sont des saynètes d'une page sur la vie de couple, détaille Fabcaro. On avait commencé à publier quelques strips dans la revue Aaarg, mais là, on reprend tout et on fait 60 pages!» À suivre au printemps.

Image fournie par 6 pieds sous terre

Et si l'amour c'était d'aimer?