Paul à Québec a d'abord été une bande dessinée de Michel Rabagliati publiée en 2009. Le 18 septembre, Paul à Québec sera un film, tourné par François Bouvier. Quoi de mieux qu'une bande dessinée pour connaître les dessous de ce tournage? Comme celle de Cyril Doisneau, intitulée 31 jours de tournage, en librairie aujourd'hui. Reportage à la manière du cinéma!

La préproduction

Dès 2009, année de publication de la bande dessinée Paul à Québec, il est question de l'adapter au grand écran. «Les éditions de la Pastèque ont les droits de publication des BD de Michel [Rabagliati], explique l'éditeur Frédéric Gauthier. Mais c'est Michel qui a tous les droits d'adaptation dans d'autres formats. Alors, quand il a été question de faire un film avec l'accord de Michel, on a pensé à faire un journal de tournage en forme de BD. Et on en a parlé aux productrices.» C'est-à-dire Nathalie Brigitte Bustos et Karine Vanasse, les fameuses Productrices Associées. Qui ont trouvé l'idée excellente. Quand le tournage de Paul à Québec a commencé en septembre 2014, le dessinateur Cyril Doisneau (184, rue Beaubien, Objets, Le Havre-New York) s'est présenté sur les lieux du tournage: c'était lui, le dessinateur de plateau.

La scénarisation

Cyril Doisneau est reconnu pour sa capacité à travailler très vite et très bien. Et puis, hasard: il a déjà été figurant, plus jeune, dans quelques films! «Ce n'était donc pas ma première fois sur un plateau, explique-t-il. Comme je l'avais déjà vécu, j'ai pu me concentrer sur autre chose.»

«Pour le contenu de l'album, je n'avais rien prévu, reprend Cyril Doisneau. Je me baladais sur le plateau, j'entendais plein de choses et je dessinais des personnages, des scènes, tous les moments qui captaient mon attention. Le soir, en atelier, j'avais plein de matière pour faire des histoires.»

Car 31 jours de tournage, c'est quelque 50 pages dont chacune raconte une histoire (souvent hilarante), en noir et blanc, plus une vingtaine d'autres pages reproduisant des dessins couleur réalisés sur le vif par Cyril dans ses carnets.

La distribution

Parce que c'est une BD de tournage, et non de la photographie de tournage, 31 jours est à la fois réaliste et fictive: Cyril Doisneau a créé des personnages inspirés des «vrais» membres de l'équipe de tournage. Par exemple, le réalisateur François Bouvier: «Les personnages changeaient d'importance chaque jour, mais le réalisateur, forcément, est l'un des plus importants, explique-t-il. Comme je devais le dessiner souvent, il fallait que j'apprenne à le dessiner. Aux réunions de production, je le regardais et je me disais: tiens, il a le crâne plat, il a des cheveux derrière...»

Personnage inattendu, celui du bédéiste Michel Rabagliati: «Je ne pensais pas du tout que Michel allait devenir un personnage de l'album parce que, au départ, je ne pensais pas qu'il allait venir aussi souvent sur le plateau [Rabagliati a cosigné l'adaptation du scénario avec Bouvier]. Il se baladait partout, il rigolait avec François, il racontait des anecdotes et n'en revenait pas de voir des gens mettre son oeuvre en 3D!»

Le preneur de son, les assistantes de réalisation, la scripte, le directeur photo, etc., sont tous présents dans 31 jours... y compris le dessinateur de plateau: «Je ne voulais pas du tout me mettre en scène, au contraire, explique Cyril Doisneau. Mais au final, il fallait un personnage qui fasse le lien entre la BD, le dessin et le film. J'ai donc accentué celui du dessinateur de plateau, avec un chapeau, un manteau et des lunettes de soleil, j'ai aussi accentué ses retards sur les tournages, alors que je ne l'ai été qu'une fois ou deux...»

«Avec Michel, on en parlait: nous, on est seuls derrière notre table, à faire un livre, alors qu'au cinéma, pour chaque scène, il y a 40 personnes. Et les 40 - ou 50! - sont indispensables. Il y en a plein que j'ai oublié de dessiner: celles qui sont en train de bloquer les voitures dans les rues et tout ça...»

La réalisation

À la connaissance de Cyril Doisneau, il n'existe qu'un seul autre album de tournage, celui de Mathieu Sapin, intitulé Feuille de chou (journal de tournage) et conçu pendant le tournage du film Gainsbourg (vie héroïque) de Joann Sfar: «C'est une espèce de carnet intime qui raconte chaque épisode du film, mais ce n'est pas du tout ce que je voulais faire.» Cyril voulait dessiner le tournage du film, pas le film.

«J'avais plusieurs carnets de formats différents avec moi, explique-t-il, parce que, des fois, je me retrouvais dans une petite pièce et je devais alors utiliser un carnet format carte postale, et d'autres fois, on était à l'extérieur, je pouvais donc sortir un carnet grand format à l'italienne et faire de l'aquarelle.» Il a ainsi rempli huit carnets! Rempli à l'aide de deux stylos: un crayon fontaine et un feutre-pinceau. Dans ce dernier, il a remplacé l'encre par de l'eau: «Comme ça, je pouvais diluer les couleurs, faire des ombres, etc. sans être obligé d'avoir un petit gobelet d'eau encombrant.»

Le montage

Tous les soirs, à partir de l'un ou l'autre de ses huit carnets remplis le jour, Cyril Doisneau créait des histoires en atelier: «Je relisais les carnets et je créais des sketchs qui devaient tenir en une page, en neuf cases identiques. Et je dessinais jusqu'à ce que je trouve une chute, une fin à chaque histoire. Et, alors que ce n'était pas du tout prévu, je trouvais souvent un truc drôle! Parce que si Paul à Québec n'est pas un film drôle, le tournage d'un film l'est!»

«Je n'avais pas non plus prévu l'ordre des planches au départ; j'aurais peut-être dû... Mais sur un plateau, les scènes sont tournées dans le désordre; c'est peut-être pour cela qu'il fallait que je dessine comme cela.»

«Avec Frédéric [Gauthier] et Martin [Brault] de la Pastèque, on a ensuite décidé de faire quelques histoires qui tenaient sur plus d'une page; ça donnait plus de rythme. Et puis, quand ils ont vu la grande quantité de dessins, d'aquarelles, etc. que j'avais, ils se sont dit que ce serait bien d'intégrer, dans l'album noir et blanc, un cahier en couleur reproduisant quelques-uns de ces dessins...»

Les scènes coupées

Comme dans tout film qui se respecte, la BD 31 jours de tournage compte des «scènes coupées». De très nombreuses scènes coupées, en fait, c'est-à-dire tous ces dessins réunis dans huit carnets par Cyril Doisneau et qui l'ont inspiré pour l'écriture de la bande dessinée. Bonne nouvelle: ses carnets feront partie de la grande exposition Paul au musée, présentée au Musée national des beaux-arts de Québec (MNBAQ) à compter du 17 septembre, à côté des dessins et planches de Rabagliati. C'est le cas de le dire, Cyril sera à Québec!

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31 jours de tournage. Cyril Doisneau. Les éditions de la Pastèque. 72 pages. En librairie aujourd'hui.

ILLUSTRATION MICHEL RABAGLIATI, FOURNIE PAR LES ÉDITIONS DE LA PASTÈQUE

Le bédéiste Michel Rabagliati a lui-même dessiné son collègue Cyril Doisneau en train de dessiner à toute vapeur sur le plateau de Paul à Québec.