Le huitième et dernier tome de L'agent Jean, ô combien attendu, est en librairie depuis le 21 mai, et déjà, l'album est en tête des ventes. Sa conclusion, plutôt sombre, devrait surprendre ses fans, mais c'est exactement là qu'Alexandre Couture, dit Alex A., voulait mener son drôle d'orignal agent secret.

«Je savais dès le tome 1 que ça se terminerait comme ça. Je suis content d'avoir réussi», dit le jeune homme de 27 ans, qui estime qu'au-delà des gags, il est important de créer des histoires «engageantes» pour ses jeunes lecteurs.

Sa prochaine série, L'univers est un Ninja, devrait aller encore plus loin, annonce-t-il. «Avec L'agent Jean, je m'exerçais à faire de la BD. Dans L'univers est un Ninja, j'invente carrément une mythologie», dit le bédéiste, nourri tant par l'absurde de Family Guy et de Bruno Blanchet que par la science-fiction de Star Trek.

Alex A. a créé le personnage de l'agent Jean alors qu'il avait 9 ans, en faisant une parodie de James Bond où tous les personnages étaient incarnés par des animaux. «J'aime mieux dessiner les animaux que des humains. C'est limité, les humains!»

Ainsi, Jean est un orignal naïf, mais efficace, qui travaille pour une agence dirigée par une vache sévère, mais juste, madame Martha, qui combat un méchant Castor surpuissant, et qui est entouré de compagnons aux noms aussi étranges que Moignons (un chien qui a perdu ses mains), WXT (un agent secret lézard, son rival) ou Julien-Christophe (un cerveau complètement autonome).

Absurde, drôle, plein d'explosions, de couleurs et d'entourloupettes scénaristiques, L'agent Jean est inspiré des codes du jeu vidéo, du cartoon américain et des superhéros, dans lesquels les jeunes se retrouvent, mais où les adultes peuvent se sentir un peu perdus. Mais c'est dans ce monde imaginaire qu'Alex A. s'est développé.

«Je n'aime pas beaucoup la BD européenne, dit-il. Tintin, j'ai toujours trouvé ça plate, et Astérix, après deux albums, je trouvais que ça tournait en rond.»

Ambitieux

Avec 200 000 livres vendus seulement au Québec, Alex A. ne cache pas son ambition: il commencera cet automne à tâter le pouls de la France et du Canada anglais avec L'agent Jean, qui est en cours d'adaptation en dessin animé et qu'il aimerait voir transformé en jeu vidéo. «Ce serait logique. Ma prochaine série, c'est déjà presque un jeu vidéo déjà fait. Tout est prêt.»

Surtout, il rêve de créer un univers aussi grand que celui de Marvel, que ses personnages soient aussi connus qu'Harry Potter. «Ce n'est pas des blagues», lance devant notre scepticisme le jeune homme à la tuque et au pantalon de pyjama à carreaux, qui soigne son look et son image. Si L'agent Jean est animé par une logique d'enfant qui voit toujours les choses sous un autre angle - «Quand une alarme sonne, il va penser que c'est la cloche pour la récré, mais à la fin, il va quand même avoir attrapé le méchant» -, Alex A. admet avoir lui aussi 9 ans dans sa tête.

«Je n'aime pas le vin ni le café, je préfère de loin les bonbons, je ne conduis pas. Et j'ai peur des filles», dit-il pour appuyer son affirmation. Mais c'est un enfant, disons, plus mature et organisé que la moyenne, qui a toujours su ce qu'il voulait et qui a fait ses classes tout seul.

«Au début, j'ai travaillé en dessin animé, mais c'était trop long, trop technique»,», explique celui qui a eu son premier emploi de dessinateur à la revue Safarir, quand il avait 19 ans. Lui qui rêvait aussi de travailler dans l'industrie du jeu vidéo a vite compris que seule la BD pouvait lui permettre de mener à terme ses propres créations, à son rythme et en étant seul maître à bord.

Vedette

L'agent Jean, lancé il y a quatre ans à raison de deux albums par année, n'a pas connu un succès instantané. «C'est vraiment au cinquième tome que j'ai senti qu'il se passait quelque chose, que j'ai commencé à avoir des files dans les salons du livre.»

Depuis deux ans, Alex A. est devenu une supervedette qui attire des foules d'enfants lors de chacune de ses apparitions publiques. Si son lecteur moyen est un garçon de 10 ans, son public est plus large, estime-t-il - de 7 à 14 ans environ - et comporte à peu près un tiers de filles.

«Je n'ai pas décidé de faire de la BD jeunesse. J'ai fait la BD que j'avais envie d'écrire, et après, j'ai appris que c'était du jeunesse. Mais ça me va! Les jeunes sont spontanés, francs, directs, j'aime tellement mieux le public jeunesse. Dans les salons, je trouve que les adultes parlent trop. Quand je regarde les files des auteurs pour adultes, je ne les envie pas vraiment.»

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L'agent Jean tome 8 - Le castor à jamais

Alex A.

Presse Aventure, 128 pages

Quatre autres bandes dessinées

Titre : Guiby

Auteur : Sampar

Nombre de tomes : 3

Prochain épisode : automne 2015

Quoi : Fort physiquement et surtout très astucieux, Guiby est un bébé qui porte un chandail rouge à capuchon et qui ne lâche jamais sa suce. Avec ses compères, le rat Ramirez et Gruffus, le monstre qui vivait autrefois dans son garde-robe, il arpente les égouts dans le but de combattre l'insaisissable Ombre. L'inestimable Sampar (Samuel Parent), illustrateur d'un nombre incalculable de livres jeunesse, exécute dans cette série solo un tour de force. Sombre, gothique, peuplé de monstres visqueux véritablement inquiétants, son Guiby est doté d'une signature visuelle vraiment unique, très artistique. Un succès chez les enfants malgré son étrangeté, ou peut-être grâce à elle, justement... La série sera lancée en Europe très bientôt.

Titre : La bande à Smikee

Auteurs : Freg et Makina

Nombre de tomes : 3

Prochain épisode : automne 2015

Quoi : Dans un cimetière, Smikee le fantôme au teint verdâtre et sa bande d'amis - entre autres Ramone le vampire qui porte maintenant des broches, Gégé le zombie accro au café, Guzume l'oeil volant aux origines inconnues - vivent toutes sortes d'aventures absurdes. Situations loufoques dans une ambiance bon enfant, têtes de Turc, blagues récurrentes, le monde de Smilee est bizarre, oui, mais attachant et sans grand enjeu dramatique - dans le tome 3, il faut retrouver un chien qui a gobé une bague de fiançailles. Freg et Makina, qui sont frère et soeur, sont très présents dans les salons du livre et très connus des jeunes.

Titre : La vie compliquée de Léa Olivier - Perdue

Auteurs : Catherine Girard-Audet/Borecki-Alcante

Nombre de tomes : 1

Prochain épisode : automne 2015

Quoi : Pas facile de déménager et de changer d'école. C'est la dure expérience que fait Léa Olivier en ce début d'année scolaire, alors qu'elle vient de quitter la campagne pour s'installer à Montréal avec ses parents et son frère aîné Félix. Relations à distance, intégration, nouvelles amitiés, petits et grands drames amoureux... Léa, jeune fille timide et attachante, en verra de toutes les couleurs, mais sur un ton toujours léger, entre le journal intime et les dialogues toujours punchés. Adaptée de la populaire série de romans signée Catherine Girard-Audet, cette BD un peu bavarde en respecte l'esprit et l'imagerie, et elle a connu un succès inattendu, l'automne dernier. La maison d'édition Les Malins a aussi adapté en BD une autre série de romans bien connue des jeunes garçons, Bine, dont le deuxième tome paraîtra également l'automne prochain.

Titre : Les pieds palmés

Auteur : Mat Ordog

Nombre de tomes : 1

Prochain épisode : printemps 2016

Quoi : Quinquin est un canard aventurier qui a pris sous son aile deux canetons à la recherche de leur mère, Robert-Doki et Marie-Cane. Ils se déplacent en avion à hélice à la recherche de Chloropolis, mais le pays manque cruellement d'eau. Avec quelques animaux de la ferme vivant en commune, ils combattent les mécazopodes et tentent de comprendre la source du problème. Ambiance de fin du monde, héros colérique au coeur tendre, canetons attachants et débrouillards, voilà une nouvelle série qui augure bien. Les éditions Michel Quintin ont aussi lancé récemment Malou, drôle d'histoire de sorcière dont le prochain épisode sortira à l'automne.