Mafalda, héroïne de bande dessinée créée par l'Argentin Quino, enfant contestataire éprise de paix et de justice qui a conquis le monde, fête lundi les 50 ans de sa première publication.

À 82 ans, Joaquin Salvador Lavado, dit «Quino», s'étonne que Mafalda soit «toujours d'actualité après 50 ans».

«Les questions qu'elle se pose sur la société parlent encore aux lecteurs d'aujourd'hui et sa vision reste d'une surprenante actualité», disait-il il y a quelques mois.

Avec un humour subtil, la fillette s'interroge sur les dysfonctionnements du monde et interpelle ses parents sur les problèmes économiques et sociaux, les inégalités, l'injustice, la corruption, la guerre, l'environnement.

Mafalda «dit des choses qu'il n'était pas possible de dire à une époque où la parole était muselée, elle interpellait la société», selon la présidente de centre gauche Cristina Kirchner.

Mafalda avait initialement été créée pour une campagne publicitaire de matériel électroménager, mais le projet n'a pas abouti et il faudra attendre le 29 septembre 1964 pour que Mafalda apparaisse dans l'hebdomadaire Primera Plana. Elle est ensuite publiée dans le quotidien El Mundo, jusqu'au 25 juin 1973. L'Argentine est alors gouvernée par les militaires.

«Arrêtez le monde, je veux descendre»

Les réflexions de la fillette de classe moyenne qui remet en cause la polarisation est/ouest du temps de l'Union soviétique reflètent l'anticonformisme de l'auteur, qui a vécu en exil à Milan, pendant la dictature militaire qui a ensanglanté l'Argentine (1976-1983).

«Arrêtez le monde, je veux descendre», «encore de la soupe ?» sont parmi les phrases les plus célèbres prononcées par Mafalda.

«Le problème de la famille humaine, c'est que tout le monde veut être le père», dit-elle aussi.

Aujourd'hui, elle est le souvenir idéal pour les touristes de passage en Argentine et se décline en tasses, vêtements et une multitude d'accessoires.

Originaire de la province de Mendoza, au pied de la cordillère des Andes, Quino a dessiné Mafalda pendant près de 10 ans, avant de se lasser et de se consacrer à d'autres bandes dessinées, qui sont restées dans l'ombre de la fillette rebelle.

À Buenos Aires, dans le quartier de San Telmo, à l'angle des rues Chile et Defensa, une sculpture de Mafalda dans une inhabituelle robe verte, fixée à un banc, est un des monuments les plus visités de la capitale argentine. Les touristes se prennent en photo, assis sur le banc à côté de Mafalda.

«Mafalda, c'est le symbole d'une certaine Argentine. C'est une enfant qui n'en est pas une, elle parle avec une grande maturité. C'est dommage que Quino n'ait pas continué. J'aimerais l'entendre parler du monde que nous vivons, du groupe État islamique, de la spéculation financière», confie Monica Da Silva, une Brésilienne de 45 ans, en vacances à Buenos Aires.

En 2009, Mafalda se dresse contre Silvio Berlusconi, en double page dans le quotidien La Repubblica. «Je ne suis pas à votre disposition», lui fait dire Quino pour protester contre l'image des femmes véhiculée par le président du conseil italien.

Trois expositions sont actuellement consacrées à Mafalda à Buenos Aires et les hommages se multiplient dans le monde.

En France, le festival de la BD d'Angoulême l'a honorée. Quino a été fait officier de la Légion d'honneur à l'occasion du Salon du livre de Paris. Quelques jours plus tôt, Mafalda elle-même avait été décorée de la Légion d'honneur à l'ambassade de France à Buenos Aires : une première pour un personnage de BD.