Les livres jeunesse se font très attrayants en ce début d'automne. Entre quelques histoires frissons, question de se mettre dans le bain de l'Halloween, et un album d'une délicatesse peu commune, on retrouve l'humour fin d'un pingouin sur sa banquise et l'audace d'un nouveau Boulerice. Du très solide.

Moche café - Destination Monstroville

Édouard, Hubert et Zia, en visite chez leur grand-mère, décident de cuisiner un gâteau répugnant. La grand-maman les met alors sur la route de Monstroville, un monde secret peuplé de bestioles étranges où l'on ne peut se rendre qu'en empruntant un passage étonnant, celui des poubelles.

Les trois personnages vivront un voyage inusité et dégoulinant au bout duquel ils participeront à un concours de recettes singulières.

Ce premier titre, visuellement attrayant, a le mérite d'offrir un texte rythmé écrit dans un style accessible. Maintenant, bien que le sujet soit clairement exposé, l'ensemble manque un peu de naturel, sans doute en raison de quelques formules déjà vues, notamment dans les recettes impliquant bave de crapaud, riz gluant, puanteur, etc.

* * 1/2

Moche café - Destination Monstroville (tome 1), Nadine Descheneaux et Sophie Rondeau, Druide, 8 ans et plus.

3000 façons de dire je t'aime

À 12 ans, Chloé, Bastien et Neville assistent à une représentation de Dom Juan et en ressortent décidés à devenir comédiens. On les retrouve six ans plus tard de nouveau réunis dans la classe de M. Jeanson, professeur réputé, exigeant et aussi usé par l'âge.

Ce roman nous transporte au coeur de ce trio d'amis inséparables, unis par cette passion de la scène. Marie-Aude Murail nous livre un roman sur la persévérance, la connaissance de soi, l'amitié et l'amour entre trois adolescents en pleine période d'apprentissage.

Des personnages consistants, crédibles, désinvoltes et vivants soutenus par un texte fort et émouvant, offert dans un style très cinématographique. Le tout narré tantôt par l'un, tantôt par l'autre, sans règle précise. Pour bons lecteurs.

* * * 1/2

3000 façons de dire je t'aime, Marie-Aude Murail, École des loisirs, 272 pages, 14 ans et plus.

Jeanne Moreau a le sourire à l'envers

Léon a des problèmes de pellicules. Il vit avec ses parents et son frère Antoine et entretient une correspondance avec Léonie, adolescente dégourdie.

La moitié du roman nous plonge dans ce quotidien plus ou moins intéressant. Mais cette vie ennuyante prend un tournant nouveau alors que la correspondante débarque, enflamme Léon, ment effrontément pour égayer sa vie, puis découvre que le frère souffre d'anorexie.

Vlan! Un sujet déjà vu en jeunesse, mais vécu habituellement par des personnages féminins. Tout en filigrane, l'écriture de Boulerice nous transporte au coeur de la naïveté et de l'ignorance de ce Léon mal dans sa peau, au coeur d'une famille unie, simple et sans histoire.

Et le sourire de Jeanne Moreau dans tout ça? Un sourire triste, sans vie, gris, malgré l'effort, qui revient comme un leitmotiv. Un roman qui gagne à être lu jusqu'au bout.

* * * 1/2

Jeanne Moreau a le sourire à l'envers, Simon Boulerice, Leméac, 224 pages, 13 ans et plus.

Frankenstein

Frankenstein, ce scientifique imaginé par Mary Shelley au XIXe siècle, a connu différentes adaptations. À l'origine, sa créature n'a pas de nom, puis le cinéma lui attribue celui de Frankenstein, cette bête horrible, crainte et rejetée par tous.

Les adaptations jeunesse de ce classique sont rares et, au Québec, elles n'existaient pas encore. Boulanger a l'audace d'en offrir une version pour les petits.

D'abord, tout comme dans le roman de Shelley, Frankenstein est d'abord l'inventeur et non le monstre. Détail appréciable. Puis, Boulanger a retenu la poursuite de l'inventeur sur sa création, exténué par elle et prêt à tout pour la détruire.

L'album déploie des illustrations raffinées réalisées à l'infographie dans lesquelles différentes perspectives, les gros plans sur le monstre et les couleurs sombres accentuent l'effet étrange voulu. Voilà une initiative louable.

* * * 1/2

Frankenstein, Fabrice Boulanger, La Bagnole, 34 pages, 4 ans et plus.

Le lion et l'oiseau

Après Le gâteau, Marianne Dubuc nous arrive avec un nouveau titre d'une sensibilité à couper le souffle. Elle nous propose une simple histoire d'amitié, mais rendue avec tendresse.

Le lion découvre un oiseau meurtri, le soigne jusqu'à que ce dernier s'envole pour retrouver ses semblables. Le temps passe et le lion apprend à vivre l'ennui comme une joie, à plein. L'attente du retour est là, mais jamais dérangeante, seulement un espoir entretenu en levant les yeux au ciel.

On tourne les pages doucement, sans faire de bruit, de peur de troubler cette paix. Dubuc nous offre une fable comme il ne s'en fait plus, un album sublime fait de peu de mots qui évoquent le silence, le temps qui passe, le bonheur d'être deux.

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Le lion et l'oiseau, Marianne Dubuc, La Pastèque, 72 pages, 4 ans et plus.

Kiki fout le camp

«Si vous avez aimé Andromaque d'Euripide, vous allez adorer Kiki fout le camp», nous annonce-t-on en page couverture. Disons que la tragédie n'est pas tout à fait ce qu'on nous propose, mais il y a matière à réflexion.

Kiki, petit pingouin énergique, est envoyé deux semaines dans un camp de vacances: karaoké, camping, confection de masques avec la jolie guide Monique et concours de ricochets manqués avec Kriss, de tout pour amuser ce king de la banquise. Dépaysement assuré.

Le ton pince-sans-rire, le style à la fois décontracté et tellement précis de Malone font de ce petit album, et de la série au complet, un incontournable. Parallèlement au récit principal, on peut suivre en bas de page des aventures se passant sous terre ou dans la mer, ce qui enjolive le récit principal.

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Kiki fout le camp, Vincent Malone, Seuil, 32 pages, 3 ans et plus.