Paul est «né à Montréal d'une famille normale», comme dans la chanson de Beau Dommage. Ses origines le prédisposaient peut-être au métier de graphiste (son père est typographe), mais certainement pas à la célébrité. Sa vie ordinaire, dessinée et racontée avec doigté par Michel Rabagliati, est néanmoins devenue un phénomène de librairie plus de 40 000 exemplaires vendus de Paul à Québec et l'un des plus grands succès de la bande dessinée québécoise actuelle.

Il n'a pas les manières d'un superhéros et il est le premier à admettre que sa sensibilité, sa fragilité et son côté peureux n'en font pas un gars très gars. Sauf que Paul est allé à la bonne école: passionné de bédé depuis l'enfance, il est un fan fini de Franquin, qui a développé Spirou et, surtout, créé l'inénarrable Gaston Lagaffe, dont il a lu et relu les aventures pendant que sa blonde Lucie lisait Tolstoï ou Kafka.

«Gaston Lagaffe, c'est dur à battre. Franquin, c'est un grand styliste et un incroyable conteur. C'est un auteur complet, comme Hergé. Il excelle dans les scénarios, dans la mise en scène et en plus son style est beau, il est groovy. C'est magnifique!», s'enthousiasme-t-il lorsqu'il parle de ce créateur qui lui a presque tout appris, comme on le découvre dans Paul au parc.

Paul, contrairement à d'autres graphistes, ne voue toutefois pas un culte à Apple, dont il se dit un «disciple forcé» étant donné la position dominante de cette entreprise dans son champ d'activité. «Entre 1987 et 1995, j'ai donné plus de 40 000$ à Apple et ses amis pour de l'équipement qui finissait à la poubelle presque aussitôt acheté», raconte-t-il d'ailleurs à la page 23 de Paul à la pêche. «Steve Jobs, c'est vrai que c'est génial ce qu'il a fait, mais il nous a aussi apporté bien des tracas. Je l'ai encore un peu sur le coeur», avoue-t-il aujourd'hui.

Très à l'aise dans les planches de six à neuf cases, Paul n'entend pas demander à Michel Rabagliati de jazzer un peu la forme de ses aventures. «Je me complais bien dans ces cases-là, fermées et découpées en noir. Je trouve fascinant tout ce qu'on peut faire là-dedans et je n'ai surtout pas envie de voir des affaires dépasser des cases, j'haïs ça! Moi, il faut que ce soit un diaporama, résume-t-il. Je suis bien straight...»

Pour les besoins de cet entretien, Michel Rabagliati s'est aimablement fait le porte-parole de son sympathique personnage.



Q/R

Q. Si tu étais une chanson?

R. Comic Strip de Serge Gainsbourg.

Q. Si tu étais un vice?

R. Je n'ai pas de vices et pas de sexe, je suis comme un Gi Joe: sous mon pantalon, il y a un petit trou pour vider l'eau.

Q. Si tu étais une personnalité qui a marqué l'histoire?

R. Tintin, sans contredit. Mais comme je suis une poule mouillée, mes aventures auraient été plates et je n'aurais pas marqué l'histoire.

Q. Si tu étais un plaisir coupable?

R. Je ne détesterais pas être un superhéros ou un justicier masqué pour un album. Ça doit être agréable de voler partout en cape et en collants.

Q. Qui serait l'invité d'honneur au souper de tes rêves?

R. Natacha de François Walthéry. Sa jupe noire est un peu affolante.

Q. Quel était ton premier disque et ton premier livre?

R. Bécassine, malheureusement. Quel ennui!

Q. Quelle est ta citation favorite?

R. «Tintin, c'est moi.» (Hergé)

Q. Si tu ne pouvais plus pratiquer ton art, quel métier ferais-tu?

R. Nuage ou soleil dans les prévisions météo de La Presse.

Q. Ce que tu détestes par-dessus tout?

R. Philomène me tape sur les nerfs, mais pas autant que Garfield. Lui, je le bifferais!

Q. À quoi es-tu accro?

R. À l'encre Pelikan numéro 17. La cuvée de cette année est particulièrement opaque.

Q. Ton film culte?

R. Ghost World de Terry Zwigoff. Une adaptation de la bande dessinée de Daniel Clowes.

Q. As-tu utilisé ta notoriété pour obtenir quelque chose?

R. Oui, je me suis servi de mon image pour un contrat avec le CEPSUM et l'Université de Montréal (le programme «Ma santé au sommet»). Faut ben vivre.

Q. Ton dernier coup de gueule?

R. À l'extérieur de mes albums, je suis assez tranquille. Mon dernier coup de gueule remonte à Paul à Québec, page 76, case 6, quand je pique une crise anti-ordinateur.

Q. Quel est ton rêve le plus fou?

R. Que Michel Rabagliati aille chez Rona acheter de la peinture et colorise un peu tout ça. Le noir et blanc me déprime. Fini satin, s'il te plaît, Mike.

Illustration: Michel Rabagliati