Il a le bagout du Petit Nicolas, la lucidité de Mafalda, l'espièglerie et la mauvaise foi de Calvin. Mais avec sa tignasse en bataille, Pico Bogue est en voie de se créer une place bien à lui dans le panthéon des enfants terribles de la bédé.

Nommé dans la catégorie jeunesse au prestigieux Festival international de la bande dessinée d'Angoulême, le troisième tome de la série Pico Bogue recevra lundi à Montréal le prix Bédélys jeunesse, décerné par les lecteurs de 7 à 13 ans des bibliothèques de la ville.Qui est Pico? Un petit rouquin qui use les nerfs des adultes avec ses interrogations et ses réflexions incessantes. Les réponses de ses parents ne le satisfont pas: il en propose de meilleures. Le hic: il a souvent raison. Avec une logique implacable (et une spontanéité désarmante), il met les adultes face à leurs propres contradictions... Et dès qu'ils ont le dos tourné, il se précipite sur le pot de biscuits.

Grand philosophe de la cour de récré, Pico est né de l'imaginaire de Dominique Roques et de son fils, Alexis Dormal: elle au scénario, lui aux pinceaux. Faut-il voir en Pico la version dessinée de souvenirs bien réels du tandem mère-fils?

«Pico, c'est un peu Dominique, un peu moi, un peu tout le monde. C'est l'enfant qui est encore bien éveillé en chacun de nous», explique Alexis Dormal, de passage à Montréal la semaine dernière pour participer au Festival de la bande dessinée francophone de Québec. «Petite, il était interdit pour maman d'avoir réponse à tout. Elle prend sa revanche!» Surtout que Pico trouve toujours la bonne formule pour clouer le bec aux copains, aux parents.

Tout de même, certaines cases sentent le vécu... «Certains sketches sont autobiographiques, admet le dessinateur. Mon frère et moi, on attendait toujours avec impatience que ma mère nous lise La petite fille aux allumettes. On savait qu'elle allait se mettre à pleurer à la fin et on était morts de rire!» Comme Pico et sa soeur Ana Ana.

En France, les trois tomes de la série Pico Bogue ont conquis autant le public adulte que jeunesse, avec plus de 100 000 exemplaires vendus. Un quatrième tome (attendu en novembre) est en chantier et un projet de dessin animé est en discussion avec les réalisateurs des deux films Kirikou.

Un succès qui s'explique tant par le ton drôle et touchant du scénario, que par le dessin reposant, quasi thérapeutique, d'Alexis Dormal. La parenté avec Sempé est ici frappante. Les traits fins, les décors esquissés, les personnages aux mimiques expressives... Et l'absence de cadres entre les cases qui semblent se prolonger au-delà de la page. À la manière de Sempé, justement. Le dessinateur a mis deux ans pour accoucher de son héros. «Je voulais traduire le côté fou, doux et tendre de Pico. Sa chevelure représente sa folie, mais aussi sa liberté jouissive. Il s'en fiche pas mal!»

Tant mieux. Il est bien comme il est, Pico, et ses créateurs n'ont pas l'intention de le changer ni de le faire vieillir. «On préfère démultiplier sa personnalité chez les autres personnages. Les adultes aussi ont du Pico en eux. Pour nous, un adulte, ce n'est qu'un enfant qui a plus d'expérience...»

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Pico Bogue, Question d'équilibre. Dominique Roques et Alexis Dormal. Dargaud, 48 pages, 19,95 $.