Après des années d'éditions piratées et même d'albums inventés, Tintin dispose pour la première fois d'une édition en mandarin la plus fidèle possible à l'original, un nouveau départ en Chine pour le personnage de bande dessinée surtout connu dans les pays francophones.

«Je trouvais vraiment du plaisir à chaque fois que je traduisais, je me sentais rajeunir en côtoyant tous les jours Tintin et les autres personnages de la famille de Tintin», lance Wang Bingdong.

Ce traducteur de renom, qui a découvert les créations de Hergé en 2001 à 66 ans, a mis son art et trois ans de sa vie au service de 22 albums, Tintin au pays des soviets, très critique envers l'URSS, étant toujours jugé indésirable dans un pays encore communiste officiellement.

Certaines aventures avaient été publiées dans les années 80 dans des tout petits formats («petits livres» en chinois), mais il avait fallu attendre 2001 pour avoir la première édition complète.

Plus de deux millions d'albums ont été vendus, mais elle était loin d'être parfaite, réalisée à partir de la version anglaise.

Cette version avait également provoqué un scandale, les ayant-droits ayant dénoncé la transformation de Tintin au Tibet en Tintin au Tibet chinois...

M. Wang s'est plongé dans le texte original, respectant notamment les noms de lieux et de personnages - Dupont et Dupond devenant les «Dubang et Dupang» et non les Thompson et Thomson. Ainsi que les jurons du capitaine Haddock. Il a été aidé par un expatrié français vivant à Pékin, Pierre Justo, 44 ans, l'un des plus grands collectionneurs de versions étrangères de Tintin.

«Mille millions de mille sabords» est devenu «Zui gai wan si» (littéralement «Ce crime mérite mille fois la mort») et «Tonnerre de Brest» «Tian da lei pi» («Que le Ciel te châtie et que le tonnerre te frappe»).

Les tintinophiles chinois ont accueilli avec un grand plaisir la nouvelle version qui vient d'être lancée.

«C'est la première fois qu'on respecte le texte original, le traducteur a fait beaucoup d'efforts pour rester fidèles», s'enthousiasme l'un des responsables de l'association chinoise des fans de Tintin, Han Ziwen, 36 ans.

«J'ai découvert Tintin dans des «petits livres» en 1983, à l'époque, seulement quelques albums étaient traduits, mais à chaque fois j'attendais cela avec impatience, la Chine s'ouvrait au monde et je découvrais le monde avec Tintin», dit-il.

La nouvelle édition - à la fois en petit et grand formats pour chaque aventure, avec un prix respectif de 12 et 20 yuans (1,80 $ et 3 $) - sera être accompagnée d'une grande campagne de promotion, ce qui devrait permettre de faire mieux connaître le reporter, né il y a 81 ans, dans un pays où les mangas japonais dominent le marché de la bande dessinée.

Comme en 2001, l'éditeur historique de Tintin, le belge Casterman s'est associé avec China Children's Press and Publication Group.

«Avec l'éditeur chinois, on a vraiment eu le souci tant au niveau de la qualité d'impression, de la traduction et du prix de faire en sorte que ce soit de qualité et grand public, surtout dans le cadre de la préparation de l'arrivée du film de Steven Spielberg en 2011», explique Louis Delas, directeur général de Casterman.

De plus, Tintin bénéfice en Chine d'une cote positive, car deux albums se déroulent dans le pays, un privilège rare.

Avec le premier, Le Lotus bleu, Hergé prenait parti pour les Chinois face aux envahisseurs japonais.

«À l'époque ce n'était pas facile, les Japonais ont protesté contre la position prochinoise de Tintin, c'était une production audacieuse», estime le traducteur Wang Bingdong.