Romantique et poétique dans la vie comme au théâtre, le comédien François-Xavier Dufour excelle dans la peau de l'auteur Edmond Rostand, dans Edmond, à l'affiche du TNM. Il nous parle de lectures qui l'ont marqué.

Votre premier souvenir de lecture?

«Monsieur, Madame. Une grosse collection avec des petits livres, de format carré, à caractère d'apprentissage. La série est écrite et dessinée par Roger Hargreaves. J'avais 5 ou 6 ans quand je lisais sa collection. Mes parents m'avaient acheté plusieurs livres: Monsieur Glouton, Monsieur Curieux, Madame Invention. Ça m'a initié à la lecture. Tout marquait mon imaginaire, comme les dessins qui nous restent longtemps en tête.»

Le livre qui a changé votre vie?

Châteaux de la colère, le premier roman de l'auteur italien Alessandro Baricco, que j'ai lu à la fin des années 90, alors que j'avais 18-19 ans. Et le temps s'est arrêté quand j'ai lu ce roman. J'ai eu la piqûre pour cet auteur. Après Châteaux de la colère, j'ai plongé dans ses autres romans [il est aussi l'auteur d'Océan mer, Soie]. J'aime ses personnages débridés, le côté fable onirique, le climat vaporeux... À 19 ans, cette lecture a changé ma vie, d'une certaine façon, parce que ça a déterminé, plutôt précisé, mes goûts de lecture. Je suis sensible à la musique. Or Baricco, qui est aussi musicologue, a un rythme bien à lui, assez lent.

Le livre que vous relisez souvent?

«Je relis surtout des poètes. Je suis amateur de poésie de tous les styles et époques: Denis Vanier, Saint-Denys Garneau, Patrice Desbiens, Baudelaire, Nelligan, Garcia Lorca, Neruda et... Gaston Miron. Je reviens souvent à L'homme rapaillé de Miron. C'est un incontournable, une grande histoire d'amour, une ode à la liberté, à la passion, au respect.»

Un auteur pour lequel vous avez une grande admiration?

«J'ai deux dictionnaires sur ma table de chevet: Le Petit Robert et, juste à côté, le gros Gauvreau. Je lis des passages des OEuvres créatrices complètes (Éditions Parti-Pris) presque chaque semaine depuis 20 ans! Claude Gauvreau est mon auteur préféré. Sa lecture a été une révélation dans ma vie. L'amour des mots, l'invention formelle avec l'«exploréen», le contexte culturo-socio-historique entourant son époque, tout ça fait que, pour moi, Gauvreau, est un intouchable. Je rêve de le jouer sur scène!»

Le livre que vous n'avez jamais lu, sans trop savoir pourquoi?

«Ce n'est pas un livre, mais une collection: celle des aventures du commissaire San-Antonio, et de son adjoint Bérurier, sous la plume du prolifique auteur français Frédéric Dard. Une production extrêmement abondante. Dard en a écrit je ne sais plus combien, 175, 200 titres?! Adolescent, je voyais mon père dévorer les aventures de San-Antonio le soir dans le salon! Mon père avait acheté, pas toute la collection, mais plusieurs livres. Je voyais donc les bouquins entassés sur l'étagère de la bibliothèque. Ça m'intriguait énormément - l'argot, le polar, l'érotisme -, mais ça m'intimidait aussi. Finalement, devant l'ampleur de la collection, je n'ai jamais pu finir une aventure...»

Le livre que vous lisez en ce moment?

«En retard sur bien du monde, mais je suis en train de lire Le plongeur de Stéphane Larue. J'aime beaucoup les auteurs russes classiques. Or, je vois un parallèle entre l'univers du Joueur de Dostoïevski et l'univers glauque du Plongeur. Ça me rappelle l'ambiance déjantée du Montréal nocturne, un peu trash, que j'ai découvert en arrivant en ville, encore un peu naïf, il y a près de 20 ans. Le roman se déroule à Montréal en 2002, et le narrateur travaille dans la cuisine tendue d'un restaurant du Plateau que j'ai bien connu.»