Cet été, La Presse vous fait découvrir un lieu littéraire tantôt méconnu, tantôt inusité. Aujourd'hui, la librairie de livres d'occasion The Word.

L'histoire

Ne cherchez pas d'enseigne. Il n'y en a pas. Le petit immeuble carré, avec sa façade de briques peinte d'un vert très foncé tirant sur le gris, est plutôt reconnaissable à son avalanche de livres en vitrine et aux deux fenêtres situées à l'étage.

C'était, jusqu'en 1975, une buanderie tenue par une famille chinoise. Mais laissons la parole à son fondateur et propriétaire, Adrian King-Edwards.

«En 1973, nous étions allés visiter des amis en Colombie-Britannique. Nous roulions en minibus Volkswagen et vendions des bouquins au bord de la route, raconte-t-il. De retour à Montréal, nous vivions dans un appartement à 105 $ par mois à côté de cette porte. Mon ex-femme était encore aux études à McGill et moi, j'avais terminé. On a commencé à vendre des livres dans notre appartement. Comme toutes les portes de la rue étaient similaires, nous avons placé une photo de George Bernard Shaw en façade. Ça donnait un look très cool de librairie underground.»

«Durant un an et demi, nous avons fonctionné de cette façon, vendant des livres dans l'appartement, organisant des lectures de poésie. Il y avait beaucoup de va-et-vient, de sorte qu'un après-midi, croyant qu'il se passait quelque chose de plus illicite, la police est débarquée. Ils ont même regardé dans nos pots d'épices.»

«Comme les choses allaient bien, nous nous sommes mis à chercher un autre local. Un matin, en allant promener le chien, il y avait cette pancarte "À louer" ici. Je me suis dit: "C'est un bon endroit pour s'installer."»

Le reste, comme on dit, appartient à l'histoire!

Les spécialités

Sise en plein quartier Milton Parc, aussi connu sous le nom de ghetto McGill, cette librairie au charme suranné (et ce n'est pas un cliché) a d'abord servi la clientèle de l'université voisine. On ne s'étonnera donc pas que les livres vendus ici soient, pour la plupart, dans la langue de Shakespeare.

«Nous avons aussi une section de littérature française, dit Adrian King-Edwards. Et quelques livres en espagnol et en allemand. En ce moment, nous avons une section d'ouvrages en italien. C'est très spécial.»

Le libraire achète des livres avec finesse, en allant chercher les perles rares. Dans le cas de cet arrivage de livres italiens, il a vu une occasion spéciale. «Comme acheteur, je peux aller à domicile. Mais je suis maladivement sélectif dans mes choix», dit-il.

Chaque jour, au gré de l'actualité, les quatre membres de l'équipe (M. King-Edwards, son fils Brendan, sa conjointe Donna Jean-Louis et leur fidèle employé depuis 27 ans, Scott Moodie) changent l'étalage devant la fenêtre. «On a beaucoup de plaisir. Nous faisons des compétitions du plus bel étalage», dit le propriétaire, amusé.

Brendan est le spécialiste des médias sociaux. Sur la page web de la librairie, on peut s'abonner à sa lettre mensuelle qui traite de nouveautés en magasin, d'événements à venir, etc. Encore aujourd'hui, The Word organise des lectures publiques.

Un mot enfin pour souligner que la librairie vend de chouettes chandails aux couleurs de l'établissement.

Une recommandation

Que lire cet été? Adrian et Brendan s'empressent de nous faire deux suggestions d'auteurs montréalais, Dany Laferrière et Heather O'Neill.

De Dany Laferrière, ils proposent L'art presque perdu de ne rien faire. «Un très bon titre d'été, dit Brendan. Et ça se lit très bien, par petits segments.» Chez Heather O'Neill, ils nous proposent le roman Lullabies for Little Criminals. Campé sur une période de deux ans dans la vie d'une préadolescente nommée Baby, l'histoire se passe dans différents endroits à Montréal et autour.

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The Word. 469, rue Milton. wordbookstore.ca

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Le charme suranné associé à cet endroit n'est pas un cliché.