Nombreux sont les écrivains qui gagnent leur vie comme professeurs, tant au cégep qu'à l'université. Est-ce que cela a une influence sur leur vie d'auteur? Comment voient-ils leur travail  de prof? François Rioux nous  a accueillis dans son cours de Littérature québécoise au cégep Montmorency de Laval.

L'auteur

François Rioux a publié trois recueils de poésie chez Le Quartanier, dont Poissons volants qui a remporté le tout premier Prix des libraires en poésie en 2015. La poésie narrative de François Rioux s'amuse avec le langage, jongle avec le quotidien pour en atteindre au lyrique. «J'écris depuis que je suis adolescent. J'ai essayé le roman, puis la poésie assez vite, vers 17 ans. Le roman n'est pas la forme qui me convient. Comme ma poésie est narrative, je fais un peu des deux pareil.» Il se dit très heureux d'être au Quartanier avec un «vrai éditeur» (Éric de Larochellière).

Le parcours

Notre enseignant a étudié la littérature à l'Université du Québec à Rimouski. Il est arrivé à Montréal en 2006, mais il a commencé à enseigner au cégep à Rimouski. «J'ai aimé ça, mais je suis revenu à Montréal où j'étais installé. Je voulais voir la "grand" ville.» Une vague de retraites au cégep Montmorency lui ouvre ensuite les portes de l'enseignement collégial pour de bon. «Au départ, mon plan c'était d'écrire, mais le travail pour gagner de l'argent, j'avoue que je ne savais pas ce que ce serait quand j'étudiais.»

Le professeur

En classe, disons-le, François Rioux n'a pas l'air de l'image qu'on se fait d'un prof de littérature, même s'il a la chanson. Avec sa petite cravate, on pourrait le croire titulaire d'un cours d'administration. Il connaît sa matière par coeur et peut digresser en parlant du quotidien et de l'actualité, en blaguant et en donnant son opinion sur un tas de sujets. «J'enseigne des livres que je trouve tripants. Je crois que mon intérêt peut susciter celui des étudiants. Par exemple, je n'enseignerais pas Menaud maître-draveur, mais Maria Chapdelaine, oui. C'est mieux écrit. Comme prof, on ne veut pas s'ennuyer soi-même. On prépare nos choses, même des blagues, d'avance. Je ne donne jamais, non plus, deux heures magistrales. J'utilise beaucoup de visuel en appui.» 

Le cours

Dans le dernier cours du corpus en littérature québécoise qu'il donne cette session, François Rioux a abordé quatre livres: Le libraire de Gérard Bessette, Les fées ont soif de Denise Boucher, Chasse aux licornes de Baron Marc-André Lévesque et Le jeu de la musique de Stéphanie Clermont. «Je fais écrire les étudiants pour leur faire comprendre la poésie. Ce sont des étudiants avec une certaine maturité qui, en général, travaillent bien. Dans ce groupe, il y a des étudiants en sécurité-incendie, sciences de la nature et humaines.» François Rioux donne aussi des cours de littérature imaginaire (Baudelaire, Camus et Despentes, notamment) et de poésie dans le programme de littérature. Il n'est cependant pas le seul qui veut donner ce cours. Ils sont sept poètes à enseigner à Montmorency!

Le passeur

Enseigner la littérature, ce n'est pas que parler d'une passion pour les livres et les auteurs. Les écrivains qui enseignent doivent tous être capables de remettre les oeuvres dans leur contexte historico-socio-politique au profit des élèves. «Je prends les étudiants comme ils sont. C'est nécessaire, ne serait-ce que pour éclairer l'oeuvre. Au début, je suis tombé dans le piège de faire beaucoup de recherches et de les rapporter en classe, mais j'en faisais trop. Là, je dose bien plus mes cours. Tout le monde n'est pas au même niveau. Ceux qui savent déjà pourront rafraîchir leur mémoire, les autres qui ne savent pas, pour quelque raison que ce soit, pourront être au même niveau. Tout le monde comprend.»

Les élèves

Alexandre Saint-Onge, élève en sécurité-incendie

«C'est mon quatrième cours de littérature au cégep. Comparé à certains, ce prof-là est vraiment beaucoup plus divertissant, connaissant et inspirant. On sent la passion dans ce qu'il dit. Il donne beaucoup de matière qui peut nous amener plus loin dans nos réflexions. C'est concret et si on prend de bonnes notes en classe, on est partis pour la gloire. Pourtant, je n'ai jamais été quelqu'un qui lisait beaucoup. Les romans qu'on étudie m'ont donné une autre perspective. C'est un prof qui m'aide à ouvrir mes horizons. Et la littérature québécoise, ça nous touche davantage.»

Kim Lahaie, élève en sciences de la nature

«Ce que j'aime, c'est qu'il dit ce qu'il pense, il donne son opinion. On n'est jamais dans l'ambiguïté, c'est clair. Il a toujours plein de références au sujet des auteurs. J'avais vraiment hâte d'avoir ce cours-là. Je ne suis pas déçue du tout. Un cours de littérature québécoise, ce n'est pas assez. Il devrait en avoir plus. J'ai l'impression qu'on passe à côté de plein d'auteurs qui pourraient être super intéressants. On a eu trois cours sur la littérature française, c'était trop. J'aime lire, mais c'est difficile de trouver quelque chose qui m'intéresse.»

Jorge-Ignacio Toro, élève en sciences humaines

«Je ne suis pas vraiment un lecteur. Je lisais juste pour l'école. Le prof est intéressant et dynamique. Ce n'est pas un cours endormant. C'est la première fois que je lis des livres québécois. C'est très différent de ce qu'on lit d'habitude. Il y a toujours un sens caché dans la littérature québécoise. Ça nous ressemble plus. C'est quand même le cours en français que j'ai aimé le moins à cause des sujets politiques et des messages qui sont passés. C'est trop dans le réel.»

Anne Drewitt, élève en cinéma

«Il est dynamique et rend la matière intéressante. Il donne toujours des exemples très concrets. Pour les dissertations, il nous dit quoi faire, mais il utilise beaucoup les ateliers pour nous faire pratiquer. C'est vraiment le fun. Pour nous expliquer le plan dialectique, il prenait en exemple Superman et Batman. Pas de grands titres que personne connaît. Il s'approprie ce qu'on connaît pour nous faire comprendre la matière. C'est sûr que c'est la job d'un prof de nous faire découvrir des choses, mais il réussit très bien. C'est notre littérature, je crois qu'on devrait la connaître plus. Moi, je lisais des romans, pas seulement au programme. J'aime lire.»