Ils sont populaires, vendent beaucoup de livres et représentent des valeurs sûres pour les organisateurs de salons du livre. Patrick Senécal, Kim Thúy et Douglas Kennedy étaient présents à Québec le week-end dernier. Nous les avons accompagnés durant leurs séances de signatures.

Patrick Senécal

Dernier livre publié: Il y aura des morts (Alire, 2017)

Nombre de salons par année: de six à huit au Québec, deux à l'étranger

Pour moi, le Salon international du livre de Québec, c'est: «un peu comme des vacances...».

Il s'était couché tard la veille. Très tard. Mais il était tout de même en forme pour sa première séance de signatures du samedi, prévue à 11 h. «Je demande toujours qu'on ne me prévoie rien le matin, car je me connais», confie en riant l'auteur d'Il y aura des morts.

Et son éditeur ne refusera certainement pas la seule demande spéciale de son auteur vedette. Car Patrick Senécal est un phénomène de librairie. Plus tôt cette année, on apprenait que l'auteur d'Aliss et de Hell.com avait franchi le cap du million d'exemplaires vendus chez Alire. Un succès qui ne se dément pas et qui se reflète dans les salons du livre. Hier, les gens avaient déjà commencé à faire la file quelques minutes avant son arrivée. «C'est un cas de cordons de foule», confirme Gabriel Sauvé, qui l'accompagne.

Dans la file, des jeunes, des plus vieux, un duo mère-fille et deux soeurs, Roxanne et Laurie Gagné, âgées respectivement de 24 et 22 ans, venues voir leur auteur préféré. «C'est la deuxième fois que je le rencontre, précise Laurie. J'habite Baie-Comeau, je suis déjà allée lui parler au Salon de la Côte-Nord.» «Son roman Aliss a changé ma vision de la lecture», affirme Roxanne, qui rencontrera Patrick Senécal pour la première fois. 

«Grâce à lui, j'ai lu un gros roman qui n'était pas obligatoire à l'école et j'ai adoré ça. Je l'ai fait découvrir à mon meilleur ami Julien qui n'aimait pas la lecture. Lui aussi a changé. Aujourd'hui, il l'aime autant que moi», indique Roxanne.

«On a tous ses livres, certains en double», ajoute sa soeur.

Patrick Senécal est conscient de la chance qu'il a. Il prend le temps de discuter avec chaque lecteur, leur pose des questions, se fait photographier avec chacun. Généreux, il leur recommande aussi des livres qu'il a aimés. «Lisez La bête à sa mère de David Goudreault ou Bondrée d'Andrée A. Michaud», conseille-t-il à une lectrice.

«Rencontrer les lecteurs, c'est comme une dose d'adrénaline, confie-t-il. Ça me donne de l'énergie positive. Quand je reviens d'un salon du livre, j'ai les batteries pleines, j'ai le goût d'écrire comme un fou.»

Quand les gens sont timides, il se sent une responsabilité de briser la glace. «Je suis un gars super accessible, assure-t-il. Moi, l'écrivain sur son piédestal, je ne crois pas à ça.»

Faire la fête

Pour Patrick Senécal, un salon du livre, c'est aussi l'occasion de retrouver ses copains écrivains et de faire la fête. Et quand le salon se déroule à l'extérieur de la métropole, il y a un air de vacances qui n'est pas pour lui déplaire. «À Montréal, les gens ont tendance à retourner chez eux après leur séance de signatures, mais quand on est à l'extérieur, on se retrouve à la fin de la journée.»

Vendredi soir, Patrick Senécal a donc passé la soirée dans un bar de karaoké en compagnie de plusieurs autres auteurs. Hier, après un marathon de plus de cinq heures de dédicaces, il comptait se rendre à ce qui est devenu un incontournable du Salon du livre de Québec, le party de la maison d'édition Alto. «Je suis reconnu pour me coucher tard, dit-il en riant. Je suis fait fort, mais disons que le dimanche, ça paraît un peu plus.»

Kim Thúy

Dernier livre publié: Le secret des Vietnamiennes (Trécarré, 2017)

Nombre de salons cette année: quatre au Québec, plus celui de Paris

Pour moi, le Salon international du livre de Québec, c'est: «là où mes livres ont pris leur envol...». 

Elle est arrivée avec une boîte de caramels «pour remercier les bénévoles». Toute menue, vêtue d'une robe rose ornée d'une fleur, d'une paire de bottes rouge pompier comme ses collants, Kim Thúy déplace de l'air. Une véritable boule de dynamite qui provoque un sourire chez les gens qui attendent en ligne pour la rencontrer.

Parmi eux, Yves Couturier, venu acheter Le secret des Vietnamiennes pour sa conjointe qui adore Kim Thúy et qui cuisine beaucoup. Ou Étienne Lamontagne, qui dit s'être déplacé parce qu'il a «beaucoup d'amis autistes» - «je veux mieux les comprendre et donc je m'intéresse à la vie personnelle et familiale de Kim Thúy» (l'auteure a un fils autiste).

«Je l'aime beaucoup et ma mère aussi», ajoute le jeune homme avant de prendre un égoportrait avec l'auteure de Ru, Mãn et Vi.

«Mon premier gros salon, c'était à Québec, et c'est toujours ce salon qui accueille mon nouveau livre, qui le porte», raconte Kim Thúy pour qui les salons du livre sont une expérience très physique. «Les gens me touchent, certains me prennent dans leurs bras, m'embrassent, me pincent les joues.» Contrairement aux autres auteurs, Kim Thúy ne s'assoit pas derrière sa table pour dédicacer ses livres. Non, elle se tient debout devant et accueille ses lecteurs comme si elle était sur le pas de sa porte.

«J'essaie de créer une bulle avec le lecteur. Je ne vois pas la file, je ne vois que la personne. C'est un moment très intime, En une minute, on a l'essence de la vie de quelqu'un.»

Tous ceux qui ont déjà rencontré Kim Thúy ont été frappés par l'énergie qu'elle dégage. 

«Impossible de se sentir fatiguée quand on reçoit autant d'amour. Je ne bois pas, mais à la fin d'une journée au salon, j'ai l'impression d'être ivre. Je suis sur un high, je suis incapable de dormir le soir, je suis surstimulée.»

Chaque fois, Kim Thúy est bouleversée par tous les témoignages qu'elle reçoit. Comme celui de cette lectrice atteinte d'un cancer qui redoutait la perte de ses cheveux. «Pendant un de ses traitements, elle lisait Ru, raconte Kim Thúy. À la page 50, je cite un proverbe qui dit que lorsqu'on n'a pas de cheveux, on ne craint pas que les gens nous les tirent. Cette femme m'a dit que cela avait complètement changé sa façon de voir la chimio... Elle a même lu ce passage à voix haute aux autres femmes qui recevaient un traitement en même temps qu'elle.»

Des «je t'aime» qui se mangent

Pendant les salons du livre, Kim Thúy ne boude pas son plaisir. Il fallait l'entendre en entrevue publique, vendredi soir, raconter avec beaucoup d'humour l'origine de son livre Le secret des Vietnamiennes. Le public s'est régalé en l'écoutant raconter que c'était à la suite d'une thérapie express ratée qu'elle avait décidé de faire un livre qui parlerait de nourriture, car «c'est en confectionnant des repas que [sa] mère [lui] disait "je t'aime"».

En plus de ses séances de signatures, d'une table ronde et d'une entrevue devant public, Kim Thúy s'est aussi prêtée au jeu des prescriptions littéraires, une activité très populaire organisée par l'Association des libraires du Québec. «J'essaie toujours d'être d'actualité quand je propose des titres, souligne-t-elle. J'évite les évidences, je cherche les bijoux. Je regarde beaucoup du côté des jeunes. J'aime beaucoup notre scène littéraire, des auteurs comme Véronique Grenier ou David Goudreault. J'ai envie de connaître les milléniaux. J'aime leur façon d'exprimer leurs émotions. Et j'aime aussi présenter des recueils de poésie. Pour moi, la poésie, c'est un superaliment. On en lit quelques lignes et ça nous habite et nous porte longtemps.»

PHOTO PASCAL RATTHÉ, COLLABORATION SPÉCIALE

L'auteure Kim Thúy en compagnie de Claudette Rhéaume

Douglas Kennedy

Derniers livres publiés: La symphonie du hasard, livres 1 et 2 (Belfond)

Nombre de salons par année: cinq ou six

Pour moi, le Salon international du livre de Québec, c'est: «l'occasion de venir dans un lieu que j'aime».

Douglas Kennedy a quand même un peu hésité: viendrait-il à Québec, ou irait-il à Berlin assister à un concert de l'Orchestre philharmonique, qu'il adore? Il a finalement choisi Québec pour le plus grand plaisir de ses lecteurs. «C'est ma deuxième visite, je suis venu une première fois il y a cinq ans», souligne l'écrivain dans un français châtié.

Il faut dire que l'Américain adore notre province qu'il a découverte durant ses études universitaires. Marié quelques années à une psychanalyste québécoise, il a même acheté un appartement dans le Vieux-Montréal, en 2012. Le mariage a pris fin, mais la relation immobilière dure toujours avec la métropole qu'il visite chaque année. «Je viens au Québec l'hiver, j'adore le ski de fond», assure ce globe-trotter qui possède des pied-à-terre à Berlin, Londres (où habite son fils Max, 25 ans), New York et Paris, en plus de sa résidence principale dans le Maine. Ah oui, et il vient de louer un appartement dans Echo Park, à Los Angeles, où il compte vivre deux semaines par mois avec sa nouvelle coloc, sa fille Amelia, 22 ans, qui étudie en Californie.

La vie de cet écrivain est tout sauf ennuyeuse. Amateur de musique classique, maîtrisant plusieurs langues dont le français et l'allemand, Douglas Kennedy est un boulimique de culture et d'histoire, une qualité que lui connaissent ses fidèles lecteurs. «Quand je lis ses romans, j'apprends plein de choses», confie Anne Théberge, qui est venue faire signer son exemplaire un peu usé de La poursuite du bonheur, le premier Kennedy qu'elle a lu.

On pourrait le croire jet-set, mais Douglas Kennedy assure qu'il fuit les mondanités, où, dit-il, les écrivains peuvent se perdre. «La célébrité est un masque qui vous dévore le visage», déclare-t-il, citant John Updike. 

«Je suis quelqu'un d'assez privé. Je n'aime pas le bavardage, ces choses-là. Moi, j'écris. Cela dit, j'aime le succès, car il me permet de bouger et d'acheter de meilleures places pour le Philharmonique de Berlin...»

Réservé, il dit toutefois apprécier les salons du livre. «C'est là qu'on rencontre des collègues, des gens de l'édition. Ce matin, j'ai déjeuné avec Joël Dicker que je ne connaissais pas. C'est super.»

Des rencontres marquantes

Les romans de Douglas Kennedy, qui racontent souvent des histoires d'amour qui finissent mal, touchent à l'intime. Ce qui provoque toutes sortes de confidences de la part de ses lecteurs et lectrices. Comme cette Parisienne venue l'engueuler parce que, selon elle, Douglas Kennedy était responsable de son divorce, son mari l'ayant quittée après avoir lu Cinq jours.

«Une des rencontres qui m'ont le plus marqué a eu lieu à Saint-Tropez, raconte-t-il. Une femme est venue me voir et m'a dit que sa fille était morte au Bataclan. Après ma séance de dédicaces, nous sommes allés prendre un verre pour parler. Elle m'a raconté comment une amie avait appelé sa fille la veille des attentats pour lui offrir un billet pour le spectacle. Son père l'a conduite à l'aéroport de Nice. Quelques heures plus tard, c'était fini. "Ma fille est morte pour rien...", m'a dit cette femme. Ça m'a profondément marqué.»

PHOTO PASCAL RATTHÉ, COLLABORATION SPÉCIALE

Amateur de musique classique, maîtrisant plusieurs langues dont le français et l'allemand, Douglas Kennedy est un boulimique de culture et d'histoire, une qualité que lui connaissent ses fidèles lecteurs.

Québec, ville de livres

Le Salon international du livre de Québec est habituellement le premier évènement qui annonce le printemps. Chaque année, les auteurs s'y retrouvent dans une atmosphère de quasi-vacances, enchantés de pouvoir passer quelques heures dans cette magnifique ville qui était baignée de soleil, dimanche, malgré les avertissements de tempête. Sous la présidence d'honneur du Français Éric-Emmanuel Schmitt - un écrivain qui attire les foules -, le Salon offre encore cette année une programmation très riche.

Samedi après-midi, les lecteurs de tous les âges se pressaient devant les kiosques des maisons d'édition pour rencontrer Dany Laferrière, Marie Laberge, David Goudreault ainsi que plusieurs auteurs pour enfants. Sans compter les centaines d'amateurs de bandes dessinées venus visiter Québec BD, festival qui se déroule au sein même du Salon. 

Ailleurs à Québec

Outre les nombreuses activités qui ont lieu entre les murs du Centre des congrès, le festival littéraire Québec, la Muse propose cette année plusieurs activités mariant textes et musique, entre autres dans la superbe Maison de la littérature. Et, quelques rues plus loin, la talentueuse illustratrice Isabelle Arsenault (Jane, le Renard et moi, Louis parmi les spectres, tous deux publiés à La Pastèque) dévoile son univers au Musée de la civilisation. Bref, pour les amoureux des livres et de la littérature, c'est à Québec que ça se passait le week-end dernier.

Des oeuvres récompensées

Plusieurs prix ont été remis durant le Salon international du livre de Québec. Voici la liste des auteurs dont le travail a été remarqué.

Prix littéraire des collégiens: Jean-Philippe Baril Guérard pour Royal (Les éditions de ta mère)

Prix jeunesse des univers parallèles: Valérie Harvey pour Les fleurs du Nord (Québec Amérique)

Prix Adrienne-Choquette: Stéfanie Clermont pour Le jeu de la musique (Le Quartanier)

Prix du livre politique de l'Assemblée nationale

Prix de la présidence: Arnaud Theurillat-Cloutier pour Printemps de force - Une histoire engagée du mouvement étudiant au Québec (1958-2013) (Lux Éditeur)

Prix de la Fondation Jean-Charles-Bonenfant

• Catégorie thèses de doctorat: Isabelle Bouchard pour Des systèmes politiques en quête de légitimité: terres «seigneuriales», pouvoirs et enjeux locaux dans les communautés autochtones de la vallée du Saint-Laurent (1760-1860) (Université du Québec à Montréal)

• Catégorie mémoires de maîtrise: Olivier Guimond pour La trahison d'un amoureux des «vieilles lois françaises»? Louis-Joseph Papineau et le paradoxe du seigneur républicain (Université de Sherbrooke)

PHOTO PASCAL RATTHÉ, COLLABORATION SPÉCIALE

On se pressait dans les allées du Salon international du livre de Québec, samedi après-midi. L'an dernier, 19 378 personnes avaient visité le Salon durant la journée du samedi, et on s'attendait à accueillir sensiblement le même nombre de visiteurs cette année.