Au Québec, la tendance des couvertures de roman est à l'illustration. En France, le style sans image est répandu ; une approche inusitée aux États-Unis. Chaque culture a ses repères visuels, souvent influencés par des facteurs inconscients. Les éditeurs peuvent donc choisir d'adapter le graphisme à leur marché, selon les codes de la maison.

LA PETITE FILLE QUI AIMAIT TROP LES ALLUMETTES

REFLÉTER UNE AMBIANCE

La petite fille qui aimait trop les allumettes, de Gaétan Soucy, a été publié en 1998 et adapté dans une vingtaine de pays. Chaque maison d'édition a illustré différemment le roman : certaines ont mis l'accent sur les allumettes et d'autres, sur le mystère ou l'enfance. « Il faut que ce soit perçu par une culture X, habituée à tel type de visuel », résume Pascal Assathiany, directeur général des Éditions du Boréal. Il souligne aussi l'importance, pour lui, de refléter une ambiance. Au Québec, le graphisme de livres est au confluent de la culture américaine, où les couvertures sont illustrées, et de la France, où c'est plus conservateur, estime Julie Espinasse, designer graphique.

L'ORANGERAIE

LE DÉFI DE L'ILLUSTRATION

Il peut arriver qu'un éditeur donne son avis sur la version proposée par une maison étrangère, même si ce n'est pas fréquent.

« En Macédoine, pour L'orangeraie, ça montrait deux frères qui avaient du gros fun, ça ne cadrait pas », se souvient Antoine Tanguay, président et directeur de l'édition d'Alto. L'illustration originale a finalement été reprise. Le roman a été traduit dans une douzaine de langues. Au Canada anglais, il n'est pas rare d'utiliser des photos, alors qu'en Chine, il y a beaucoup de mots sur les couvertures. Règle générale, les éditeurs connaissent leur marché, dit M. Tanguay. S'il concède qu'on est « assujettis à une forme de goût géolocalisée », il ne faut pas oublier que la signature visuelle d'une maison et les contraintes de production entrent en ligne de compte.

MÃN

UNE IMAGE DE MARQUE

S'il y a une certaine unité visuelle entre les éditions originales de Ru, Mãn et Vi, de Kim Thúy, ce n'est pas fortuit. « Quand on a fait la connaissance de Kim, on a compris qu'on avait une auteure en or. Le directeur artistique a décidé de créer une image de marque », relate Carole Boutin, directrice des contrats et des droits pour Groupe Librex et Groupe Ville-Marie Littérature. Ailleurs dans le monde, l'idée du Viêtnam et de la nourriture ressort. En Suède, l'approche est sobre. « On a mis en lumière le titre et le nom de l'auteure, Kim est déjà connue dans ce marché », précise Mme Boutin. Mãn a voyagé dans 10 pays.

LES MYSTIQUES DU MILE END/LE CIEL DE BAY CITY

PAREIL, PAS PAREIL

Les couvertures d'un même livre changent parfois au point où les images semblent raconter des histoires différentes. Le roman Les mystiques du Mile End, de Sigal Samuel, d'abord paru à Calgary avant d'être réédité aux États-Unis et traduit chez Marchand de feuilles, au Québec, en est un exemple. « C'est trois univers complètement différents », s'étonne Louis-Charles Lasnier. Le choix d'une page couverture peut teinter la lecture, note Mélanie Vincelette, directrice de Marchand de feuilles. Il arrive au contraire que l'image originale soit reprise. Ç'a été le cas pour l'édition suédoise du Ciel de Bay City, de Catherine Mavrikakis, d'abord paru chez Héliotrope. « Ça veut dire qu'il y a une résonance culturelle », signale M. Lasnier.