La première vente mercredi à Paris de la collection de manuscrits du fonds Aristophil, au coeur d'une vaste escroquerie aux dépens de petits épargnants, a été marquée par de belles enchères, notamment un roman de Balzac parti à 1,17 million d'euros (1,8 million $).

Après le retrait de cette vente des manuscrits exceptionnels des 120 Journées de Sodome du Marquis de Sade et des Manifestes du surréalisme d'André Breton, classés trésors nationaux, les regards se sont tournés vers le roman de Balzac Ursule Mirouët.

Le texte autographe intégral de ce roman de Balzac de 1841, l'un des deux seuls encore en main privée, est parti à 1,17 million d'euros frais compris (pour une estimation entre 800 000 et 1,2 million d'euros).

Actuellement en liquidation, la société Aristophil, créée en 2003, avait proposé à quelque 18 000 épargnants d'investir leurs économies dans de prestigieux manuscrits qui se sont révélés largement surpayés par rapport aux prix du marché.

L'étude Aguttes a été mandatée par la justice pour organiser la vente des 130 000 pièces saisies chez Aristophil. Quelque 300 autres ventes sont déjà programmés sur les six prochaines années.

Outre le roman de Balzac, un superbe ouvrage enluminé du 15e siècle, l'Histoire d'Alexandre Le Grand de l'historien romain Quinte-Curce (sans doute du 1er siècle après J.-C.), a atteint 640 000 euros (estimation entre 300 000 et 500 000 euros) et une lettre d'amour de Napoléon à Joséphine, datée de 1796, s'est envolée à 280 000 euros (estimation entre 60 000 et 80 000 euros).

À travers Aristophil, les épargnants pouvaient devenir propriétaires de manuscrits - en pleine propriété ou en indivision -, des documents que le fonds devait racheter au bout de cinq ans à un prix majoré de 40%. Au total, 850 millions d'euros ont été souscrits. Ce rendement devait être assuré par la prise de valeur des pièces sur un marché annoncé en pleine expansion et par la location de ces documents à des musées.

Mais de nombreux souscripteurs ont perdu leur mise. Le président fondateur d'Aristophil, Gérard Lhéritier, a été inculpé en 2015 pour escroquerie en bande organisée et pratique commerciale trompeuse.

Deux pièces exceptionnelles figuraient initialement au catalogue de la vente: le manuscrit autographe des 120 Journées de Sodome ou l'école du libertinage du Marquis de Sade, achevé alors qu'il était emprisonné à La Bastille (estimé de 4 à 6 millions d'euros) et un ensemble André Breton, comprenant les deux Manifestes du Surréalisme et «Poisson soluble», une série autographe rédigée dans sept cahiers d'écolier (le tout estimé 4 millions d'euros).

Cependant ces documents ont été classés trésors nationaux, une mesure qui interdit leur sortie du territoire. Ces pièces devraient rejoindre bientôt les collections nationales.