Pour la première fois cette année, le festival Orientalys accueillera parmi ses exposants une quarantaine d'auteurs issus de la diaspora arabe et berbère qui discuteront d'identité, d'intégration et de littérature pendant quatre jours.

Lorsqu'il a entrepris d'organiser les Journées du livre de la diaspora arabe et berbère, entouré de quelques confrères et consoeurs, le poète d'origine algérienne Salah Beddiari s'était mis en tête de créer un salon du livre qui permettrait de donner une présence aux auteurs originaires de pays arabes, et de braquer les projecteurs sur cette littérature aux accents d'ailleurs.

« Il y a deux ans, j'ai été invité par la Journée du livre haïtien et j'ai vu qu'il y avait au moins une vingtaine de maisons d'édition, plus de 50 auteurs d'ici et d'autres invités d'Haïti et des Caraïbes, raconte-t-il. Je me suis dit que si un petit pays comme Haïti peut organiser un événement de cette ampleur, ce serait bien que les immigrants issus de pays arabes organisent un véritable salon du livre pour les auteurs de cette diaspora. »

La porte-parole du salon, Fayrouz Fawzi, auteure et docteure en sociologie, souligne que l'objectif de l'événement est « de créer des échanges sur des thématiques autour du livre comme l'exil, l'immigration et l'interculturalité, mais aussi la nostalgie, qui revient souvent dans les oeuvres correspondant à la première période de l'immigration ».

COLLECTIF D'AUTEURS

Ainsi s'est formé au cours des derniers mois un collectif regroupant une quarantaine d'auteurs originaires du Maghreb et du Moyen-Orient et installés au Québec depuis peu ou depuis plusieurs décennies. Des écrivains québécois qui traitent de la question de l'immigration ou qui écrivent sur le monde arabe, comme la poète Louise Dupré, la romancière Olivia Tapiero et la poète-slammeuse Marie-Paule Grimaldi, de l'organisme La poésie partout, seront également de la partie.

« C'est en essayant de regrouper tous les auteurs québécois et canadiens d'origine arabe et berbère qu'on s'est rendu compte à quel point ils sont nombreux », note l'anthropologue et romancière Yara El-Ghadban, qui a contribué à la création de l'événement. « Chacun est dans son coin et essaie de faire sa part, mais il y a très peu de dialogue entre les auteurs. »

« On n'arrête pas de parler de la communauté arabo-musulmane ces temps-ci, mais au lieu d'aller chercher les gros titres, les controverses, peut-être que ce serait bien d'aller vers ce que ses ressortissants écrivent et de faire découvrir aux lecteurs québécois ces auteurs qui sont leurs compatriotes et qui leur offrent d'autres imaginaires », suggère Yara El-Ghadban.

Selon la romancière, les thématiques qui ont été choisies de concert avec l'ensemble des auteurs reflètent à la fois leurs préoccupations et celles de la société québécoise, en abordant notamment des questions comme l'identité ou le rôle des femmes à travers les discussions. « Ce sera intéressant de découvrir des perspectives, des expériences et des points de vue différents, parce qu'on n'a pas tous le même rapport à l'identité et au pays d'origine », estime-t-elle.

L'INTÉGRATION AU COEUR DES DISCUSSIONS

Séances de dédicaces, lectures, conférences et causeries sur la littérature de la diaspora et la thématique de l'intégration sont prévues pendant la fin de semaine dont l'événement phare est une grande nuit de la poésie, qui se tiendra le samedi soir dans une grande tente pouvant recevoir jusqu'à 200 visiteurs.

« Pour ces auteurs qui viennent d'ailleurs, la question qui se pose est "comment s'intégrer ?" L'intégration est-elle une dissolution, une assimilation, une extinction ? », demande Salah Beddiari. L'auteur a d'ailleurs lui-même abordé le sujet dans son plus récent roman, Adel, l'apprenti migrateur, paru au printemps chez Mémoire d'encrier. « Un immigrant arrive avec ses propres couleurs et on lui demande de se défaire des fois de ses propres teintes. Adel, dans le roman, va se délester de quelques plis. Mais où doit-il s'arrêter pour être intégré ? »

Les artistes et les écrivains qui viennent de loin, ajoute-t-il, doivent faire un effort double à son avis pour creuser leur place. « Ils peuvent parfois sentir le problème d'une manière un peu plus lancinante et se trouver dans une situation un peu plus délicate que les autres parce qu'ils pensent, qu'ils créent, qu'ils sont créatifs et qu'ils sont sensibles. »

« Ce sont de grandes questions d'ordre philosophique que les écrivains issus de la diaspora se posent dans leurs écrits », dit-il, peu importe qu'ils soient exilés, réfugiés ou immigrés. Des questions, espère-t-il, qui parviendront à susciter un débat et contribueront à faire connaître de nouvelles voix.

Journées du livre de la diaspora arabe et berbère, au Vieux-Port de Montréal, sur le quai de l'Horloge, du 10 au 13 août.

Quatre rendez-vous à ne pas manquer

UN HOMMAGE À MAHMOUD DARWICH

La grande nuit de la poésie arabe, qui commence le samedi soir à 21 h, proposera des lectures en trois langues (français, arabe et anglais), notamment de l'oeuvre du poète palestinien Mahmoud Darwich. Une dizaine de poètes et d'écrivains lui rendront hommage à l'occasion du 9e anniversaire de sa mort (le 9 août 2008). Un journaliste et écrivain qui a connu Mahmoud Darwich livrera également un témoignage sur ce grand poète.

UNE DISCUSSION AUTOUR DE LA TRADUCTION

Une partie de l'événement sera consacrée aux auteurs arabes installés au Québec qui créent dans leur langue maternelle, comme la poète Souheir Fouzat et l'auteure et journaliste Abeer Esber, toutes deux originaires de Syrie. Comment faire pour rendre leur écriture visible ? C'est la question à laquelle tenteront de répondre l'organisateur de ces Journées, Salah Beddiari, ainsi que les représentants d'un groupe de l'Université Concordia dont l'objectif est de dénicher des oeuvres produites ici, en arabe, et de les faire traduire. « Littérature québécoise d'expression arabe, enjeux de la traduction » : dimanche, 13 h.

UNE TABLE RONDE SUR L'ÉCRITURE AU FÉMININ

La romancière et anthropologue d'origine palestinienne Yara El-Ghadban animera aux côtés de Monia Mazigh, auteure et militante née en Tunisie, et de May Telmessany, romancière, traductrice et professeure originaire d'Égypte, une discussion sur l'écriture au féminin au sein de la diaspora arabe du Québec et du Canada. Samedi, 19 h.

DES ATELIERS POUR LES JEUNES

Naïma Oukerfellah, auteure et pédagogue d'origine algérienne, sera sur place pour présenter son roman jeunesse Ici, c'est différent de là-bas, dans lequel Souad, une Marocaine de 11 ans, raconte son arrivée à Montréal. Un atelier sur la tenue d'un journal suivra la présentation, le samedi et dimanche dès 14 h. À 16 h, les jeunes pourront également participer à un atelier sur la création d'un court récit.