Pour les 15es Correspondances d'Eastman, du 10 au 13 août, le festival littéraire a choisi Dany Laferrière comme parrain. Une occasion pour l'écrivain montréalais de rappeler l'impact de la lecture dans nos vies. Écrire, même à temps partiel, «permet de mieux lire», dit-il.

Vieil habitué des Correspondances d'Eastman, Dany Laferrière parraine, encore une fois cette année, l'évènement estrien dont le thème de 2017 s'intitule Archipels francophones. Même si son emploi du temps s'est étoffé depuis son entrée à l'Académie française au printemps 2015, l'écrivain montréalais ne rate jamais le festival de mots greffé à l'environnement verdoyant du lac d'Argent. 

«Je tiens à m'y rendre chaque année car c'est une idée magnifique dans un cadre magique, un festival pimpant et très frais où la littérature s'accorde avec le paysage, où les échanges épistolaires se font dans les jardins, dit Dany Laferrière. Il y a un air festivalier à Eastman qui rappelle certains festivals européens, surtout les Correspondances de Manosque, en France», qui a débuté quatre ans avant le festival d'Eastman. 

Laferrière populaire 

La classe de maître que donnera Dany Laferrière le vendredi 11 août est déjà complète. «Donner une classe de maître, c'est si peu moi ! dit-il. Je ne suis pas un maître! Et ce n'est pas de la modestie. Un maître, ça a fini d'apprendre. Pour moi, rester vivant, c'est être un inférieur, comme dit mon vieux maître [Witold] Gombrowicz. C'est rester inférieur. Il n'y a que les inférieurs qui sont cultivés parce qu'ils doivent connaître leur propre culture et la culture des maîtres!» 

L'écrivain participera aussi à des tables rondes et à l'activité Grande entrevue, le vendredi, à 13h. Au cours d'un café littéraire, le samedi, à 15h30, il explorera les oeuvres de trois auteurs haïtiens contemporains: Gary Victor, Rodney Saint-Éloi et Néhémy Pierre-Dahomey. Pour colorer l'esprit des festivaliers, leur donner le goût de lire et aussi celui d'écrire. 

«Apprendre à écrire permet de mieux lire, dit Dany Laferrière. Quand on essaie d'écrire, ça permet de ne pas se lever au milieu de la nuit pour écrire sur son blogue des insanités sur les écrivains. Ça permet de ne pas écrire cinq phrases contre un livre en faisant cinq fautes et en disant que le livre est mal écrit...» Oups!

Une manière d'être

Pour Dany Laferrière, écrire est une manière d'être, même quand on ne le fait pas pour être publié. Selon lui, la menace qui pèse sur la littérature est moins grave que celle qui met l'écriture en péril. «Les gens passent leur temps à vouloir écrire, mais il n'y a pas de rigueur, observe-t-il. Pourtant, écrire est un jouet comme la lecture est un jouet.» 

L'écrivain appelle au goût d'écrire. Pour que l'écriture ne soit pas l'apanage d'une caste. «Si seuls les gens qui savent écrire écrivaient, l'écriture serait dans une impasse. Elle manquerait d'oxygène, de fantaisie, de nouveauté.» 

Et ne dites pas à Dany Laferrière que l'époque n'est pas propice à l'écriture et que nous sommes les esclaves des écrans, petits et grands: télé, ordi, cellulaire, tablette numérique. «On choisit sa vie, lâche-t-il. Aristote, déjà, parlait de la vie qu'on mène aujourd'hui! C'est la phrase la plus ancienne de l'histoire humaine!»

L'époque est donc aussi propice à l'écriture qu'à la lecture? «Mais oui! Jamais n'a-t-on autant lu et écrit, dit Dany Laferrière. Par une sorte de grande démocratie, la lecture s'est répandue alors on voudrait autre chose, on voudrait un peu plus de qualité. Mais quand on parle de menace, je ne sais pas de quoi on parle. Quand chaque année, on est obligé de demander aux éditeurs de moins publier, quand les journalistes ajoutent qu'ils ne peuvent pas tout lire. C'est le goût de tout lire qui a créé cette confusion. Maintenant il faut savoir comment, dans cette forêt de livres, on peut choisir son chemin.» 

Dany Laferrière pense également qu'on ne parle pas assez de l'impact qu'a la lecture sur l'individu et qu'on met trop l'accent sur le support. Quand on évoque l'accroissement des plateformes électroniques au détriment du papier, il insiste pour dire qu'il est difficile de juger aujourd'hui un support qui deviendra totalement naturel pour la génération suivante. L'individu s'adapte au progrès, aux changements, oubliant le support et ne retenant que le contenu, dit-il. 

«Nous sommes les narrateurs de notre époque, dit Dany Laferrière. Quand nous ne serons plus, mon frère (!), l'autre génération dira sa vérité, ses raisons, son monologue et ainsi de suite.»