Monique Giroux anime tous les week-ends les émissions Chants libres à Monique et De l'autre côté de chez Monique, sur ICI Musique. Elle a assuré la direction artistique du disque Salut Sylvain, un hommage à Sylvain Lelièvre lancé en octobre, et cosigne avec notre collègue de La Presse Jean-Christophe Laurence le livre Ta photo dans ma chambre, charmant recueil de photos d'artistes des années 60 et 70. Elle nous a parlé de sa vie en livres.

Votre premier souvenir de lecture?

Mon père m'a offert Astérix aux Jeux olympiques, qui venait tout juste de paraître, je devais avoir 4 ans. Le cadeau était aussi pour lui. Pendant plus de 10 ans, nous nous sommes arraché le magazine Tintin qui arrivait au village le dimanche matin. C'était à qui se lèverait le premier pour aller le chercher au dépanneur. Et puis ma mère me «montait» une collection de Martine, comme on monte un trousseau. Martine à la ferme, au cirque, fait du théâtre. Je conserve encore tous ces livres-là, à Oka, dans ma chambre d'enfant.

Le livre qui a changé votre vie?

Le prophète de Khalil Gibran. Comment suis-je tombée sur ce livre, je ne sais plus. Mais je me souviens de certains passages, particulièrement celui qu'on veut lire à 14 ans: «Vos enfants ne sont pas vos enfants, ils sont les fils et les filles de l'appel de la vie à elle-même»... «et bien qu'ils soient avec vous ils ne vous appartiennent pas»... «vous pouvez leur donner votre amour mais non point vos pensées, car ils ont leurs propres pensées». Mes parents n'aimaient pas trop Khalil mon nouvel ami, mais sa lecture m'a permis de m'affranchir, de m'affirmer.

Le livre qui est sur votre table de chevet en ce moment?

J'en ai toujours deux ou trois en cours de lecture. Le cas Eduard Einstein de Laurent Seksik. Le genre récit biographique me plaît assez. Le fils d'Einstein qui se destinait à la médecine était schizophrène. Abandonné par son génie de père, conduit à l'asile par sa mère. On confirme ici que la réalité dépasse malheureusement la fiction. Dans un autre ordre d'idées, Le code Québec de Jean-Marc Léger parce qu'il est bon de se rappeler de quoi nous sommes faits et de quel bois on se chauffe.

Le livre que vous relisez tout le temps?

Tout Sagan, je lis tout ce qui paraît sur elle, ses romans, ses entretiens ou ses biographies. Elle me fascine. Quel personnage. Une femme libre, confiante, vivante. Le rythme de son écriture, les images fortes qu'elle évoque en quelques mots... J'ai vu et revu le film Sagan de Diane Kurys et qui met en vedette Sylvie Testud dans le rôle principal. Je demande souvent à Juliette Gréco de me parler d'elle, ce qu'elle fait avec beaucoup d'affection. Je suivais ses malheurs dans Paris Match. Et dire qu'elle est morte dans la plus grande solitude et la plus triste des déchéances.

Le livre que vous n'avez jamais lu, vous ne savez pas pourquoi?

Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline. Tous les ans, je me jure que ce sera pour cette fois, et puis le rythme des parutions nouvelles, des choses à découvrir, à voir, à écouter, à goûter, nous rattrape et l'année achève sans que j'aie lu Voyage au bout de la nuit. Sans doute suis-je inconsciemment rebutée par la lâcheté, la misère et le désarroi qui y sont évoqués. Allez, cette fois c'est vrai, je m'y mets avant 2017.

Ce que vous avez l'intention de lire cet automne?

Les yeux tristes de mon camion de Serge Bouchard. Je côtoyais Serge à l'époque où nous animions tous les deux une émission quotidienne à la Première Chaîne de Radio-Canada. Je le saluais en disant: «Cher Cherge», ce qui le faisait rire. Sa plume et son intelligence sont remarquables. Le guide des égarés de Jean d'Ormesson. J'aime lire ce nonagénaire allumé. Brunetti en trois actes de Donna Leon dont on me vante la plume. Et Conversations avec un enfant curieux de Michel Tremblay que j'aime d'amour et qui est un des plus grands piliers de notre culture.