Elles sont jeunes en âge ou en années de fréquentation du milieu littéraire. Elles n'en ont pas moins signé des romans ambitieux qui leur ont valu plusieurs prix ou nominations, des romans magnifiquement écrits, aux structures sophistiquées, se déroulant dans des époques qu'elles n'ont pas connues. Loin de l'autofiction? Très loin.

Emma Cline

Américaine de 27 ans

Le livre: The Girls (La table ronde), son premier roman

L'histoire: En cet été californien de 1969, Evie Boyd a 14 ans, des parents récemment divorcés, des amies avec qui elle est en froid et, donc, du temps sur les bras. Bref, elle s'ennuie. Elle croise alors des filles fascinantes à ses yeux, car différentes. Elle s'approche. Sera bientôt adoptée par leur groupe qui squatte une ferme crasseuse et est dominé par le charismatique Russell. Nous ne sommes pas dans la «famille Manson». Mais presque. À présent adulte, Evie raconte cet été où tout a changé.

La citation: «Les meurtres de la "Famille", c'est le moment où les années 60 sont mortes. [...] Ceux qui s'attendent à un livre sur le sujet sont déconcertés. Ce qui m'intéressait, moi, c'était de parler de ce que cela signifie d'être une fille, et d'adolescentes qui ne sont ni des objets ni des victimes.» (Le Point)

Eleanor Catton

Néo-Zélandaise de 31 ans

Le livre: Les luminaires (Alto), son deuxième roman (elle avait 23 ans à la publication du premier, La répétition)

L'histoire: On suit, sur quelque 1000 pages, le destin d'une vingtaine de personnages (un politicien en campagne, un ermite alcoolique trouvé mort, un riche prospecteur porté disparu, une prostituée héroïnomane qui fait une tentative de suicide, etc.) pendant la ruée vers l'or des années 1860 en Nouvelle-Zélande. Un roman victorien imprégné de polar, orchestré par la course des planètes et des étoiles (car chaque personnage est associé à un signe du zodiaque ou à un corps céleste).

La citation: «Je voulais écrire une enquête entourant un meurtre qui se déroulerait pendant la ruée vers l'or. Mais les récits linéaires ne m'intéressent pas. Je suis intéressée par le roman qui repousse les limites, par les structures, par la forme - pourvu que cela serve l'histoire, que ce ne soit pas simplement un "truc".» (La Presse)

PHOTO FOURNIE TIRÉE DE WIKIPEDIA

Eleanor Catton

Emily St. John Mandel

Canadienne (et Américaine d'adoption) de 37 ans

Le livre: Station Eleven (Alto), son quatrième roman (elle avait 30 ans au moment de la publication du premier, Dernière nuit à Montréal)

L'histoire: Le récit multiplie les points de vue et les allers-retours entre le passé (notre présent) et le présent (un avenir où une pandémie a anéanti une partie de l'humanité quelque 20 ans plus tôt). On y suit une troupe d'acteurs itinérante. Parce qu'une fois un semblant de société rebâti, vient un moment où survivre ne suffit pas.

La citation: «Ma première idée était de raconter la vie d'un groupe d'acteurs. J'allais ouvrir avec la mort d'un comédien sur scène, dans l'acte IV du Roi Lear. Je désirais également parler de notre monde contemporain, des technologies présentes dans tous les aspects de notre vie. Il me semblait que la meilleure façon de traiter cela était de raconter ce qui nous arriverait si elles disparaissaient.» (La Presse)

PHOTO FOURNIE PAR ALTO

Emily St. John Mandel

Anna Hope

Britannique de 42 ans

Le livre: Le chagrin des vivants (Gallimard), son premier roman

L'histoire: Les vivants du titre, ce sont des vivantes. Trois femmes que l'on suit pendant cinq jours, en novembre 1920. Londres regarde vers la France, d'où sera rapatrié le Soldat inconnu. Celui qui symbolisera tous les autres, tombés au front. Or elles ont toutes perdu «quelqu'un».

La citation: «Le premier [fil conducteur] est la lutte qu'ont menée les femmes pour obtenir, en 1918, le droit de vote et les grands bouleversements que cela a entraînés. Il y a peu de livres sur les femmes de l'entre-deux-guerres et ce qu'elles ont vécu. La plupart des romans écrits par des femmes n'ont jamais été réédités et ceux qui sont encore disponibles ont été écrits par des hommes. Le deuxième fil, c'est le contrecoup de la guerre et les questions qui ont surgi. Les convulsions sociales, le chagrin, le deuil ont fait que les Britanniques se demandaient comment ce carnage avait été possible.» (Télérama)

PHOTO FOURNIE PAR JONATHAN GREET

Anna Hope