Gabriel Anctil accuse les éditions du Boréal et l'universitaire Jean-Christophe Cloutier de «révisionnisme historique» et leur reproche de réduire son implication dans la découverte des écrits français de Jack Kerouac en le traitant comme un «vulgaire vendeur de saucisses».

En début de semaine, Boréal lançait en grande pompe La vie est d'hommage, un recueil de textes écrits en français par Jack Kerouac. Or, dans l'avant-propos, le professeur adjoint de littérature anglaise à la University of Pennsylvania et auteur du livre, Jean-Christophe Cloutier, écrit qu'Anctil est celui qui a «publicisé l'existence des écrits en français de Kerouac», ce qui a fait bondir ce dernier.

«La véritable histoire des manuscrits francophones de Kerouac débute le 5 septembre 2007, alors qu'est publié en une du journal Le Devoir un article où je révèle pour la première fois au grand public l'existence d'un roman entièrement écrit en français par le pape des "beatniks": La nuit est ma femme», écrit Gabriel Anctil dans une lettre envoyée à La Presse.

«Le "scoop" crée une onde de choc chez ses nombreux lecteurs et est repris par les journaux du monde entier, à qui j'accorde de nombreuses entrevues. [...] [Ensuite], je poursuis mes recherches dans le fonds d'archives à New York [seul endroit où il est possible de lire les manuscrits, dont il n'existe aucune autre copie] où je déterre un second trésor. Le 4 septembre 2008, toujours en une du Devoir, je révèle l'existence d'un second roman écrit en français par Kerouac: Sur le chemin», poursuit M. Anctil.

Boréal rejette les accusations

Le directeur général des éditions du Boréal, Pascal Assathiany, rejette du revers de la main les accusations de révisionnisme historique à l'égard de Jean-Christophe Cloutier. «Une blessure d'ego, ce n'est jamais drôle», a-t-il répondu à La Presse.

Tel qu'affirmé dans la lettre de Gabriel Anctil, M. Assathiany confirme que des démarches ont été entreprises ces dernières années entre la maison d'édition, la succession de Jack Kerouac et M. Anctil afin d'obtenir les droits des écrits français de Jack Kerouac.

Or, souligne-t-il, la maison d'édition avait également été sollicitée au même moment par un autre chercheur, de l'Université McGill cette fois-ci, mais les deux démarches n'avaient pas été concluantes.

«Les oeuvres en français de Kerouac, tout le monde savait que ça existait, puis un certain nombre de chercheurs les ont découvertes quand les archives ont été ouvertes», a affirmé le directeur général de Boréal.

«Gabriel Anctil n'a pas obtenu de la succession de Kerouac les droits de publier et de travailler sur les textes. Gabriel Anctil n'est pas propriétaire de ces textes-là. Il en a parlé, mais ce n'était pas inconnu, plusieurs chercheurs étaient au courant et travaillaient là-dessus [...]. Ce n'est pas parce que vous découvrez une cabane abandonnée dans le fonds d'une forêt qu'elle est à vous parce que vous l'avez découverte», s'est exclamé M. Assathiany, visiblement contrarié.

Questionné par La Presse, l'auteur du recueil La vie est d'hommage, Jean-Christophe Cloutier, s'est pour sa part dit désolé de la réaction de Gabriel Anctil.

«C'est triste, parce que M. Anctil a de la mauvaise information. L'héritier du patrimoine littéraire de Jack Kerouac, John Sampas, était déjà au courant de l'existence de ces textes en français [quand la nouvelle a été publiée dans Le Devoir]. Il a d'ailleurs fait faire la traduction de La nuit est ma femme il y a plus de 20 ans», a-t-il affirmé.

Selon l'universitaire, qui a travaillé sur l'oeuvre de Jack Kerouac lors de ses études doctorales à l'Université Columbia, à New York, c'est M. Sampas et un autre écrivain qui l'auraient contacté afin qu'il travaille sur le fonds d'archives.

«Je sais que M. Anctil a rencontré l'héritier [de Jack Kerouac] et lui a demandé s'il pouvait écrire le recueil. Je crois qu'il lui a dit que c'est lui qui avait découvert les textes, et ça avait vraiment piqué l'héritier. Ces textes lui appartiennent, il était très [contrarié]», a résumé M. Cloutier.