Les biographies ont été au coeur de l'actualité littéraire des derniers mois. En février, le spécialiste du cinéma Yves Lever sortait un récit explosif sur la vie du cinéaste Claude Jutra. Puis en mars, La Presse révélait que Pierre Nepveu, auteur d'un livre sur la vie de Gaston Miron, était poursuivi pour diffamation par un proche du poète. Le milieu de l'édition doit-il revoir ses façons de travailler? Nous avons posé la question à trois éditeurs.

Les Éditions Québec Amérique

Martine Podesto, directrice

«Je ne veux pas commenter directement les deux cas que vous mentionnez. D'ailleurs, je ne sais pas si [les récents événements] vont changer notre manière de faire, mais je peux vous assurer que, dans le procédé actuel, plusieurs précautions sont prises. La plupart du temps, les personnes [dont on fait la biographie] sont accompagnées par un agent. De notre côté, nous accordons une importance particulière à la vérification des faits. Pour une biographie, c'est très important. C'est un roman-vérité, il faut donc tout valider! [...]

«C'est un travail colossal, et c'est le rôle de l'éditeur de le faire et d'en discuter avec l'auteur. Si je ne me sens pas à l'aise avec une affirmation écrite dans le livre, je vais proposer à l'auteur d'appuyer ses dires, tout simplement en rapportant des faits. [...] On écrit sur la vie des gens. On parle de réputations. Il faut faire doublement attention. [...] On a un devoir de réserve dans la mesure où on ne peut pas prouver ce qu'on avance. Dans le cas d'une biographie autorisée, on respecte aussi [les limites] des gens. On ne va pas là où ils ne veulent pas aller.»

Leméac Éditeur

Lise Bergevin, directrice générale

«[Les récents événements] ne changeront pas nos façons de faire, car nous avons toujours été soucieux d'obtenir les autorisations des personnes [dont on fait la biographie]. Qu'elle soit vivante, comme au moment où nous avons écrit sur Alys Robi, ou dans le cas d'une succession. On travaille pour ne pas insulter ou tromper personne. Si on publie une biographie, chez nous, c'est parce qu'on a une certaine admiration, de la sympathie et de la considération pour la personne. Je ne vois pas l'intérêt d'essayer de faire un procès d'intention aux personnes dont on veut parler. [...] [Quand nous avons écrit sur Jean Dallaire], il y avait des choses plus difficiles à écrire noir sur blanc. Mais Michel et son autre frère ont lu le texte et nous ont donné leur accord. On ne voit pas l'intérêt d' [écrire] des choses pour brouiller les gens.»

Les Éditions Libre Expression

Johanne Guay, vice-présidente édition du Groupe Librex

«Je ne suis pas certaine que [toutes les maisons d'édition] travaillent de la même façon. Au Groupe Librex, nous faisons davantage des biographies autorisées. D'autres maisons font le choix de ne pas faire ça, ça leur appartient. [...] Pour ma part, 50 % du travail est en amont, avant le début de la rédaction. Je me pose la question: qu'est-ce que la personne a envie de nous raconter? Je ne forcerai pas personne. Je trouve qu'on règle beaucoup de choses en se posant la question avant de commencer tout le reste. Ça nous permet de rattraper certaines choses.

«Vous savez, écrire une biographie est un travail émotif. Si l'auteur veut prendre des libertés, il faut qu'il en parle avec la personne [dont il écrit la biographie]. Ce n'est pas mon rôle de décider de ce que sera le contenu, mais je m'assure que la personnalité est confortable à s'ouvrir. On ne publie pas si tout le monde n'est pas d'accord. Chez nous, on fonctionne comme ça. [...] Comme éditeur, je m'assure de challenger le contenu qui m'apparaît un peu faible ou si je sens que l'auteur veut dire quelque chose mais que ça ne sort pas.»

Image fournie par Québec Amérique

Brian Mulroney – L’homme des beaux risques, de Guy Gendron

Image fournie par Québec Amérique

Jacques Bouchard – Le créateur de la publicité québécoise, de Marie-Claude Ducas