La comédienne Sylvie Léonard a incarné cet hiver à la télé la mère de Mélissa Désormeaux-Poulin dans la série Ruptures, à Radio-Canada. On pourra aussi la voir au Théâtre du Rideau-Vert dans Les diablogues, mis en scène par Denis Marleau, du 29 mars au 23 avril. Grande lectrice, elle nous a parlé de sa vie en livres.

Le premier livre que vous avez lu?

Les malheurs de Sophie, de la comtesse de Ségur. J'avais 7 ans, c'est ma tante qui me l'avait offert et je me sentais grande parce qu'il n'y avait pas d'images. Je l'ai encore: c'est une vieille édition, la couverture est matelassée en velours rouge, avec du papier parchemin, c'est extraordinaire. Je me souviens de l'avoir dévoré, même de l'avoir lu à la lampe de poche quand la lumière était fermée...

Le livre qui a changé votre vie

Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir. J'ai lu tout Beauvoir, j'adore cette femme, ses paradoxes, ses contradictions, même ses tourments. J'avais 16 ans quand j'ai lu ce livre, et il m'a fait comprendre l'inégalité dans les différences. C'est un gros livre, mais tout le concept, l'historique m'ont éclairée. En le lisant, j'ai fait: ah, voici le combat des femmes. Tout à coup, la lumière est devenue intense sur une réalité. J'ai compris qu'on est féministe comme on est démocrate, on ne peut juste pas faire autrement.

Le livre qui est sur votre table de chevet en ce moment?

Je serai un territoire fier et tu déposeras tes meubles, de Steve Gagnon. C'est un livre magnifique, une réflexion sur l'identité de l'homme du XXIe siècle, qui lui aussi est mélangé et se cherche. J'en parle avec Steve des fois - on est ensemble dans Ruptures, c'est lui qui joue mon fils. C'est un coup de coeur mutuel, je l'aime énormément, je ne taris pas d'éloges envers ce jeune homme. Je suis contente qu'il fasse cette réflexion, avec une écriture extraordinaire. Je l'ai d'ailleurs donné à plein d'hommes. Oui, les femmes ont leurs batailles, mais les hommes aussi doivent se retrouver.

Le livre que vous relisez tout le temps?

L'oeuvre de Marie Uguay. Marie était ma cousine, presque ma demi-soeur - nos mères étaient jumelles. Sa poésie me parle. Quand je lisais ses poèmes, je lui disais: "C'est magnifique", et elle me répondait: "Ben oui, tu m'aimes tellement, t'es ma cousine!" J'ai toujours été convaincue de son immense talent. La poésie est souvent associée au lyrisme, à l'onctuosité, à la complaisance, mais il n'y a pas de ça dans son écriture. C'est frais comme la neige, il y a une pureté, une urgence, pas un mot qui est de trop. Mon préféré, qui commence comme ça: «Il existe pourtant des pommes et des oranges», je le lis et le relis, même si je le sais par coeur.

Le livre que vous n'avez jamais lu, vous ne savez pas pourquoi?

Les bienveillantes de Jonathan Littell. Je ne suis pas capable. Pourtant c'est un gros livre, et j'adore les gros livres. Mais je n'y arrive pas. Le début est laborieux, la mise en contexte, les statistiques... Chaque fois, je me dis: "Je vais le faire, je vais passer à travers." J'ai essayé deux fois... et je me dis encore que je vais réessayer! Il est neuf, neuf, neuf... Peut-être qu'il n'est pas pour moi, mais c'est très rare que ça m'arrive. Je suis bonne lectrice... sauf pour lui!

Ce que vous avez l'intention de lire ces jours-ci?

Enlevée par Boko Haram, de Mina Kaci. À l'émission de Catherine Perrin, on parlait de ce livre qui raconte l'histoire d'une jeune Nigériane qui a vécu l'enfer. Ça m'a intéressée, je suis allée au Fureteur à Saint-Lambert et je l'ai acheté la journée même. J'ai toujours au moins un livre en attente. Je viens d'ailleurs de terminer La femme qui fuit d'Anaïs Barbeau-Lavalette. L'époque des années 50 me fascine: j'ai été élevée par des gens qui on vécu la Grande Noirceur, et j'ai beaucoup travaillé Gauvreau. J'aime beaucoup ce que fait Anaïs Barbeau-Lavalette, et puis avec ça, elle a une écriture fine et brillante.