Michel Tournier est mort la semaine dernière à l'âge de 91 ans. Nous avons demandé à l'auteur québécois Gilles Archambault de commenter pour nous quelques-uns des romans de l'écrivain français qui «écrivait pour être lu, nous dit-il, optant pour la clarté, même s'il traitait dans ses livres de thèmes reliés à des mythes à mille lieues des préoccupations contemporaines».

Il a retenu quatre titres, tous offerts en Folio, puisque Tournier a «toujours prétendu préférer l'édition en poche de ses livres, à cause de la plus large diffusion qu'elle assurait».

Vendredi ou les limbes du Pacifique

«Vendredi ou les limbes du Pacifique le fait connaître en 1967 de la plus éclatante façon. Prix du roman de l'Académie française, immense succès de vente. Un écrivain passionné de métaphysique réussit ainsi l'exploit de réécrire à sa façon le Robinson Crusoé de Daniel Defoe. Le mythe du bon sauvage dont la confiance est trahie par un Occidental est ici traité avec maestria. Près de 50 ans après sa parution, le roman n'a pas pris une ride.»

Le Roi des Aulnes

«Le Roi des Aulnes remporte le prix Goncourt en 1970. Il s'agit du journal que tient un personnage inquiétant, Abel Tifauges. Accusé injustement du viol d'une petite fille, il ne se sent pas moins devenir ogre. Fait prisonnier par les nazis, il recrute de jeunes proies pour le laboratoire d'un raciologue SS. Lorsque le camp est envahi par les Russes, Abel s'enfuit, tenant dans ses bras un enfant juif qu'il a recueilli. Pour le sauver ou le tuer? Le roi des Aulnes étant une créature maléfique, qu'imagina Goethe, on ne peut que retenir la deuxième explication. Le roman se déroule dans un climat inquiétant, parfaitement hallucinant.»

Gaspard, Melchior & Balthazar

«Formé dans des institutions catholiques, Tournier s'inspire tout naturellement de la légende des Rois mages pour un roman appelé Gaspard, Melchior & Balthazar. Je le dis tout net, il faut, si l'on veut trouver un réel plaisir à le lire, accepter d'être mené en bateau. L'auteur fait montre d'érudition, son imagination n'y connaît point de cesse. À lire certaines pages, on se croirait dans les contes des Mille et une nuits. Livre parfaitement jouissif, savant, sans lourdeur, brillant.»

Les vertes lectures

«Personne ne prétendra que Les vertes lectures compte parmi les livres importants de Tournier. Il nous en apprend beaucoup toutefois sur les lectures d'un auteur qui a fréquemment écrit pour un jeune public, dont la facilité d'émerveillement l'épatait. Cervantès, Daudet, Kipling, Jules Verne, Jack London, autant d'écrivains dits "pour les jeunes" dans lesquels il détecte des univers parfois troublants.»