Les corps extraterrestres raconte la quête de deux personnages dans un monde qui leur échappe, ainsi que leur rencontre improbable dans un univers parallèle. Ce deuxième roman de Pierre-Luc Landry a attiré notre attention par son absence de limites, son énergie un peu brouillonne, son humour et son intensité. Tiens donc, il ressemble à son auteur, a-t-on pu constater. Auteur, éditeur et professeur, le jeune homme qui aura 31 ans le 29 décembre est un touche-à-tout enthousiaste qui n'a pas peur de rêver. Portrait en six verbes.

Écrire 

«Je ne veux pas tomber dans le romantisme et dire que j'ai toujours eu une âme d'écrivain, dit l'auteur originaire de Victoriaville. Mais j'ai toujours aimé écrire, comme j'ai toujours aimé 1000 choses. Au moment de m'inscrire à l'université, je me suis dit qu'aller en littérature réglerait mon problème de choix, parce que les livres parlent de tout. Je n'ai pas été déçu jusqu'à présent.» Un mémoire de maîtrise qui se transforme en premier roman (L'équation du temps), une thèse de doctorat qui mène à un deuxième (Les corps extraterrestres), l'université aura été pour lui le «coup de pied dans le cul» dont il avait besoin pour se discipliner. «Maintenant, je dois me donner cette discipline de travail. J'ai l'impression que j'ai le droit de convoiter une carrière d'écrivain, même si c'est encore un peu irréel. Mais c'est cool!»

Inventer 

«La fiction, c'est comme un rêve, dit Pierre-Luc Landry. Quand on lit un livre, on sait qu'on lit une histoire qui est fausse, improbable, mais on acquiesce si l'ensemble est cohérent.» Dans Les corps extraterrestres, les deux personnages principaux, Hollywood et Xavier, se croisent dans le monde du rêve, mais vivent aussi dans un univers plus ou moins réaliste. «En général, la résolution ne m'intéresse pas beaucoup en fiction. Ça ne me semblait pas intéressant, par exemple, d'expliquer pourquoi Hollywood n'a pas de coeur. J'aime lire des récits qui me déstabilisent, qui me mènent en bateau ou même qui me laissent tomber.»

Collaborer 

La littérature québécoise actuelle est très ancrée dans le réel - trop, selon certains observateurs. Pierre-Luc Landry, lui, croit que plusieurs courants peuvent exister en même temps. «Mon envie est surtout de collaborer à une effervescence. Il se passe tellement d'affaires dans le milieu littéraire québécois!» Oui, il a été inspiré par le réalisme magique, mais non, Les corps extraterrestres ne s'inscrit pas en faux par rapport au réalisme tout court. «J'ai juste essayé, honnêtement et humblement, d'écrire le meilleur livre possible par rapport à cette histoire. Je me suis inscrit dans une certaine forme de littérature, mais pas de manière exclusive. Je ne veux surtout pas m'enfermer dans un genre.»

Éditer 

C'est sa naïveté et une série de petits hasards qui ont mené Pierre-Luc Landry à devenir éditeur de La Mèche, division de La courte échelle consacrée aux romans pour adultes relancée cette année. Son objectif est d'offrir de la littérature de qualité qui capte l'attention, «atypique dans la narration, l'histoire racontée, les personnages». Il n'a pas l'intention de marauder dans d'autres maisons d'édition - «Je les vois d'abord comme des collègues» - et entend publier beaucoup de premiers romans. «Ça prend des gens pour faire confiance aux jeunes romanciers, parce que si on attend qu'ils aient fait leurs preuves avant de les publier, la littérature va mourir.» Son rôle comme directeur littéraire? «Je me vois comme un facilitateur entre un auteur et son lectorat, en poussant chaque livre à son maximum.»

Enseigner 

C'est parce qu'il a toujours adoré l'école que Pierre-Luc Landry est maintenant prof de littérature. Il va de contrat en contrat - Université d'Ottawa, Université Laval, cégep de l'Outaouais -, et est cette année prof adjoint au collège militaire de Kingston. «C'est une des plus belles expériences de ma très jeune carrière», lance celui qui dit aimer brasser un peu la cage de l'institution des études littéraires en présentant un corpus où l'on retrouve beaucoup de femmes, ainsi que de minorités ethniques et sexuelles. Mais surtout, enseigner est pour lui l'occasion de faire partager sa passion. «Je suis payé pour lire, pour parler de littérature, pour entendre du monde en parler, pour côtoyer des jeunes qui ont envie de réfléchir.»

Rêver 

Pierre-Luc Landry est un touche-à-tout, oui, mais pas de manière négative. «Je ne fais rien qui ne me tente pas, et je ne veux pas donner l'impression de penser que je peux m'improviser dans n'importe quel job. Mon problème est que je désire trop! Le désir est souvent considéré comme l'expression d'un manque, alors que pour moi, c'est quelque chose de plein à l'intérieur qui me sert à agir.» Bien sûr, cette polyvalence est aussi causée par la précarité du monde du travail. «Au lieu de déprimer avec ça, je grappille, je me fais une vie et je tripe.» L'idée est surtout de ne pas s'imposer de quota de rêves, dit-il. «Il ne faut pas rêver à une seule et unique chose, sinon on risque d'être déçu. Moi, si je me plante magistralement, j'aimerais avoir une librairie, où il y aurait des chats et où on servirait du thé. C'est mon rêve de secours, mettons.»

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Les corps extraterrestres

Pierre-Luc Landry

Druide, 259 pages