Georges-Hébert Germain est décédé vendredi soir, des suites d'un cancer au cerveau qu'on lui avait diagnostiqué il y a deux ans, deux mois après la parution de son dernier ouvrage... sur la mémoire. Il avait 71 ans. Le milieu littéraire et journalistique perd un grand auteur.

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Georges-Hébert Germain avait l'âme bohème et le coeur aventurier. Deux choses qui contribuent à faire un sacré bon auteur. Passionné par l'histoire, la musique, les arts et les voyages (il avait une formation de géographe), Germain aimait passer d'un projet à l'autre, d'un ouvrage historique sur Christophe Colomb à une biographie de Céline Dion, des souvenirs de Monica la Mitraille à la vie de Guy Lafleur ou celle de Robert Bourassa.

Curieux, touche-à-tout brillant, Germain est l'illustration que le journalisme mène à tout... à condition d'en sortir.

Il en est sorti, au début des années 90, un peu à cause de son amoureuse, la relationniste Francine Chaloult, que le jeune Germain a rencontrée à l'époque où il était critique de musique à La Presse. Féru du nouveau journalisme lancé par le New-Yorkais Tom Wolfe, dans les années 70, Germain a contribué (avec les Foglia, Petrowski et Homier-Roy) à vivifier l'écriture journalistique au Québec. Dans ses articles, le reporter optait pour une approche plus personnelle et littéraire. Ses reportages et portraits (dans L'Actualité, entre autres) étaient étoffés, sentis, et nuancés.

Son bon ami Serge Chapleau souligne qu'en plus de sa plume magnifique, Germain se démarquait par «sa grande honnêteté intellectuelle, sa rigueur, son solide jugement». «J'ai plein de beaux souvenirs, mais c'est un "chum" qui me manque.»

Chapleau a connu Germain à l'Université de Montréal, en 1970. «J'avais 24 ans; Georges-Hébert, 25 ans. On ne s'est jamais perdus de vue», a-t-il témoigné samedi, la gorge nouée par l'émotion.

La musicienne Florence K a dédié son nouveau livre, Buena vida, à son ami qu'elle a visité régulièrement durant sa maladie. «Parce que je m'ennuie des cliquetis de tes doigts sur ton clavier d'ordinateur, lors de tous mes week-ends à Lachute. Parce que ce sont ceux-ci qui m'ont donné le goût d'écrire», peut-on lire dans sa dédicace.

Une carrière riche et diversifiée

Né en 1944, Georges-Hébert Germain était le deuxième enfant d'une grande famille qui en comptera 14, originaire de la région de Portneuf. Après ses études universitaires, il travaille aux Presses de l'Université de Montréal. En 1972, il entre aux Arts et spectacles à La Presse, section alors dirigée par René Homier-Roy. Il sera de l'aventure du cahier «Perspectives» lancé par ce dernier.

La liste des journaux et magazines auxquels l'auteur a prêté sa plume est impressionnante : La PresseLe Devoir, L'ActualitéNousChâtelaineenRoute... La télévision acquiert également ses services, et il travaille à titre de chroniqueur, de critique ou de reporter pour les différentes chaînes québécoises. Il a été de la première saison de La bande des six, l'émission culturelle animée par Suzanne Lévesque à Radio-Canada. Parmi les critiques autour de la table, Germain est celui qui se jetait le plus souvent dans la fosse aux lions, allant même jusqu'à se mesurer à un monument national comme Michel Tremblay.

De 1999 à 2002, il a signé des portraits de grandes personnalités pour Canal D, animé la série Destination Nor'Ouest, à TVA et à TFO, et la série La ruée vers l'or, diffusée en 2010 et 2012, respectivement à TFO et à TVA. Comme auteur, il a une vingtaine de livres à son actif : romans jeunesse, romans, biographies (tous publiés chez Libre Expression).

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Georges-Hébert Germain et Francine Chaloult en 2011.

Au cours de sa carrière, Georges-Hébert Germain a reçu de nombreux prix de journalisme, dont le prix Judith-Jasmin et le Grand Prix d'excellence de la Fondation nationale des prix du magazine canadien. En 2014, il a été nommé chevalier de l'Ordre national du Québec.

Avec le temps

Paru en 2013, son dernier livre, Jadis, si je me souviens bien..., raconte ses souvenirs d'enfance dans une famille nombreuse, des souvenirs qu'il admet déformés par le temps et qu'il s'amuse à corriger grâce à l'apport de ses frères et soeurs. «Tout le long de l'écriture, les souvenirs sont remontés», avait confié l'auteur en entrevue avec notre collègue Josée Lapointe. «C'est comme un fil qu'on tire. Tu commences à raconter un souvenir d'enfance, et tout à coup ça éclaire derrière et devant. C'est comme quand tu fouilles dans un vieux tiroir, tu trouves plein de choses que tu pensais avoir oubliées.»

«Les grosses familles, c'est aussi un archétype parce que ça n'existe plus. C'est devenu un concept abstrait que les générations suivantes ne connaissent pas. Chez nous, quand il y avait une chicane, c'était la guerre, avec des clans. Ma fille ne connaîtra jamais ça, elle ne peut pas se chicaner avec elle-même...», disait-il

Jointe par La Presse, Rafaële Germain dit vivre avec sa mère, Francine Chaloult, un mélange de tristesse et de soulagement, car son père n'était plus que l'ombre de lui-même depuis quelques mois. Elle préfère mettre de l'ordre dans ses sentiments avant de parler aux médias.

- Avec La Presse Canadienne