En décernant jeudi le Nobel de littérature à une femme, Svetlana Alexievitch, opposante au régime dans son pays, le Bélarus, les jurés suédois poursuivent leur ouverture à la diversité du monde, soutenant une autre voix libre.

Mme Alexievitch, 14e femme à recevoir le prix, est la première de langue russe à être nobélisée.

De sa création en 1901 jusqu'en 1990, seules six femmes furent lauréates du Nobel, dont la première étant la Suédoise Selma Lagerlöf en 1909. Mais depuis 1991, neuf ont reçu la prestigieuse récompense. Les plus récentes furent en 2004 l'Autrichienne Elfriede Jelinek, en 2007 la Britannique Doris Lessing, en 2009 l'Allemande (née en Roumanie) Hertha Müller et, en 2013, la canadienne Alice Munro.

Cette féminisation va de pair avec une ouverture aux littératures du monde, engagée au milieu des années 1980.

De 1901 à 1985, on recense seulement huit auteurs ne provenant ni d'Europe, ni des États-Unis. Un pays comme l'Inde n'a qu'un seul lauréat (Rabindranath Tagore, 1913), comme d'ailleurs le monde arabe (l'Égyptien Naguib Mahfouz, 1988). Les traductions étaient alors certes moins nombreuses.

La seconde moitié du XXe siècle voit désigner des lauréats du Guatemala, de la Colombie ou du Nigeria. Après l'an 2000, ce sont aussi le premier lauréat de langue chinoise (Gao Xingjian, 2000, naturalisé Français), le premier Hongrois (Imre Kertesz, 2002), le premier Turc (Orhan Pamuk, 2006).

Née en 1948, dans l'URSS de Staline, l'auteur de langue russe écrit des livres réprouvés par le régime de Minsk, incarné par le président Alexandre Loukachenko qui dirige le pays depuis 20 ans d'une main de fer.

Si l'Académie suédoise n'intervient pas directement dans le débat politique - elle a par exemple refusé en 1989 de soutenir publiquement Salman Rushdie, condamné à mort par une fatwa de l'ayatollah Khomeini -, elle a parfois désigné ses lauréats en fonction de critères extralittéraires et notamment géopolitiques.

Dans un contexte de guerre froide, les noms du dissident soviétique Soljenitsyne (1970), du Polonais Milosz (1980), du Tchèque Seifert (1984), du poète soviétique exilé aux États-Unis Brodsky (1987) avaient aussi des résonances autres que littéraires. Mais, comme l'a dit un jour un juré Nobel, «il faut distinguer entre les effets politiques, inévitables, et les intentions politiques, qui n'ont pas lieu d'être».