Il est arrivé au Goethe-Institut dans une ambulance de 1967, arborant la blouse blanche et le masque chirurgical. Dans la rue, il s'est lancé dans une longue diatribe contre le gouvernement et le système de santé québécois qui laissent, selon lui, les habitants du Bas-du-Fleuve et des autres régions dans l'indigence sanitaire. Ensuite, aux cris de «La rue est à nous!», il a marché symboliquement sur la Main avec quelques fans dans le trafic de fin de journée.

Victor-Lévy Beaulieu était en ville, hier pour lancer son «testament» littéraire, une brique intitulée 666 - Friedrich Nietzsche avec, en sous-titre, ce qu'il faut considérer comme le genre de l'ouvrage: Dithyrambe beublique.

Dans le petit amphithéâtre du Goethe, l'écrivain le plus connu de Trois-Pistoles a ensuite raconté comment une campagne de sociofinancement lancée pendant les Fêtes avait permis à sa maison d'édition d'amasser 157 000$, dépassant ainsi son objectif de 7000$.

VLB avait 17 ans quand il a commencé à lire Nietzsche à la demande de son frère aîné, spécialiste du philosophe allemand qui se cherchait un interlocuteur pour discuter de la morale des forts, du Surhomme, de l'Éternel Retour et de la Volonté de puissance. VLB, justement, trouve que cette dernière notion, l'un des piliers de la pensée du philologue et philosophe, manque cruellement aux politiciens québécois.

«En lisant Nietzsche, dira- t-il, j'ai appris plus sur le Québec que sur l'Allemagne, et je n'aurais pas pu écrire ce livre sans parler du Québec. Nos leaders n'ont pas cette volonté de puissance qui permet de passer du Non au Oui et du Oui au Non pour en arriver au Oui total qu'ils devraient défendre et faire comprendre.»

M. Beaulieu, qui ne parle ni ne lit l'allemand, a mis six ans à écrire cet ouvrage, sans note aucune, tout de mémoire, cette mémoire photographique - et phénoménale - qui lui permet de se souvenir de tel passage dans tel livre parmi les 200 qu'il a lus.

Sur Nietzsche, VLB va à l'encontre de l'ensemble des spécialistes qui tenaient pour fou l'auteur d'Ainsi parlait Zarathoustra dans les dernières années de sa vie, qu'il a passées, syphilitique, dans un silence complet, sinon dans un état végétatif. «D'homme, il a voulu retourner à l'enfance puis à l'océan d'où l'homme est issu. Il a simulé la folie, car il savait que les grands écrivains ne sont reconnus que quand ils sont déclarés fous.»

Ainsi parlait Victor-Lévy Beaulieu qui ajoutera que son «testament» n'est pas nécessairement son dernier livre. Après le drôle de lancement au Goethe, il est allé donner une conférence à la Grande Bibliothèque, où il a expliqué à un plus vaste auditoire sa relation avec Nietzsche qui a écrit, entre autres aphorismes que «L'Homme est une chose qui doit être dépassée».

VLB y travaille.