Le Québec regorge d'événements littéraires. Alors que le plus grand salon du livre francophone au pays s'ouvre à Montréal mercredi, La Presse vous propose un tour d'horizon des salons qui ont pignon sur rue ailleurs au Québec. En quoi sont-ils uniques et quels sont leurs plus grands défis? Leur survie est-elle assurée? Bilan.

OUTAOUAIS

«On doit devenir un vrai festival»

Les salons du livre doivent revoir leur modèle d'affaires et devenir des festivals de la littérature, croit Anne-Marie Trudel, directrice générale du Salon du livre de l'Outaouais. «Nous sommes un peu comme le Festival de jazz des livres. Les gens ne vont pas toujours acheter de la musique jazz, se rendre dans les bars jazz, mais ils vont prendre une pause dans leur vie trépidante pour assister à un événement jazz», affirme celle qui travaille pour le troisième événement littéraire du genre au Québec, avec ses 250 kiosques et ses 400 auteurs. Comme il est situé à près de deux heures de route de Montréal, certains auteurs sont toutefois réticents à se déplacer. Solution? «Nous avons une navette gratuite qui part de Montréal le matin et les ramène à la maison le soir, quand le Salon ferme, explique Mme Trudel. Les salons du livre sont des antidotes à la virtualisation. On peut facilement se procurer des livres en ligne, mais chez nous, ce sont les auteurs eux-mêmes qui font des suggestions de lecture», dit-elle.

Le Salon du livre de l'Outaouais se déroulera du 26 février au 1er mars 2015 à Gatineau.

TROIS-RIVIÈRES 

«Nous ne sommes pas un mini Salon du livre de Montréal»

Le Salon du livre de Trois-Rivières est dans une position particulière: l'événement est pris en sandwich entre le salon de Montréal et celui de Québec. Pour cette raison, la directrice générale Julie Brosseau et son équipe travaillent d'arrache-pied pour trouver une niche et développer une programmation diversifiée. «Nous avons notre propre couleur, ce qui nous aide à convaincre les éditeurs de venir présenter chez nous. À ce sujet, nous affichons toujours complet. Les jeunes familles représentent pour nous une clientèle en pleine croissance», explique-t-elle. Si elle avait plus de fonds, Mme Brosseau voudrait investir davantage dans les tournées d'auteurs qui visitent les écoles des régions de la Mauricie et du Centre-du-Québec. «On sent chez nous les contrecoups de l'économie chancelante. Avec les fermetures d'usine, ce n'est pas évident», dit-elle.

Le Salon du livre de Trois-Rivières se déroulera du 26 au 29 mars 2015.

QUÉBEC 

Ouvert sur le monde et la jeunesse

En 1998, le Salon du livre de Québec n'a pas eu lieu. Un conflit opposant sa direction et les distributeurs de livres - qui refusaient que l'événement se tienne à quelques semaines de celui de Montréal - a forcé son annulation. Mais cette ère trouble est chose du passé, promet son nouveau président-directeur général, Philippe Sauvageau. Aujourd'hui, l'événement littéraire de la Vieille Capitale oriente ses activités vers les enfants. «L'édition de Québec, avec ses quelque 1100 auteurs, ne souffre pas la comparaison avec Montréal, dit M. Sauvageau. Chaque année, nous avons également un pays invité, d'où le mot "international" dans notre nom. L'éventail d'écrivains présents venant d'ailleurs est quelque chose d'assez unique.»

Le Salon international du livre de Québec se déroulera du 8 au 12 avril 2015.

CÔTE-NORD 

À l'autre bout du monde

Ce ne sont pas tous les auteurs qui se déplacent jusqu'en Côte-Nord, explique la directrice générale par intérim du Salon du livre, Diane Gagné. Ils sont environ 60 à fréquenter l'événement, dont une vingtaine proviennent de la région. Mais quand «ces petites PME sur deux pattes» arrivent à Sept-Îles, ils sont entièrement pris en charge par le comité organisateur et ne veulent plus repartir, promet-elle. «Notre salon, qui rejoint environ 9000 personnes, est le plus grand événement culturel de la Côte-Nord. L'année dernière, nous avons célébré notre 30e édition. De plus en plus, nous tentons d'organiser des rencontres avec les auteurs à l'extérieur du gymnase du cégep de Sept-Îles, où se déroule l'événement. Quand nous le pouvons, nous envoyons les auteurs rencontrer les citoyens et les enfants dans les écoles. Quand la météo ne nous permet pas d'y aller, nous le faisons par vidéoconférence.»

Le Salon du livre de la Côte-Nord se déroulera du 23 au 26 avril 2015 à Sept-Îles.

ABITIBI-TÉMISCAMINGUE 

Un salon itinérant et 100 % bénévole

Le Salon du livre de l'Abitibi-Témiscamingue a la bougeotte. Chaque année, une nouvelle équipe de bénévoles organise l'événement, qui se déplace chaque fois dans une nouvelle ville des cinq MRC de la région. Selon la secrétaire générale Madeleine Perron, de 12 000 à 15 000 visiteurs fréquentent le salon, une popularité qui ne se dément pas. «Nous avons aussi notre lot de contraintes. Pour les maisons d'édition, le simple fait qu'il s'agit d'un nouveau comité organisateur année après année leur complique la tâche. Aussi, le financement public fluctue et n'est pas entièrement confirmé au moment de l'événement, ce qui n'aide pas nos bénévoles», explique-t-elle. Avec ses 80 kiosques, le Salon du livre de l'Abitibi-Témiscamingue partage aussi un défi commun avec les autres salons situés loin des grands centres: convaincre les éditeurs de ne pas sauter leur événement une année sur deux.

Le Salon du livre de l'Abitibi-Témiscamingue se déroulera du 21 au 24 mai 2015 à Val-d'Or.

SAGUENAY-LAC-SAINT-JEAN 

«La salle est rendue trop petite pour nous»

Le Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean, le premier de la saison littéraire dans l'Est du Canada, a un défi de taille. Installé dans le Centre des congrès de Jonquière - la plus grande salle de la région -, l'événement attire près de 19 000 personnes et doit organiser des centaines d'activités hors les murs pour répondre à la demande, rejoignant environ 10 000 amateurs de livres de plus, explique la directrice générale Sylvie Marcoux. «Ce n'est pas difficile de faire venir les auteurs chez nous, car ils aiment la spontanéité des gens d'ici et le contact privilégié qu'ils ont avec eux. De plus, pendant le Salon du livre, c'est la fête. On ne parle que de livres partout», affirme-t-elle. Alors que le salon célébrait cette année son 50e anniversaire, son principal défi est de demeurer accessible (prix d'entrée: 2 $), tout en autofinançant l'événement, alors que les subventions n'augmentent pas aussi rapidement que la demande.

Le Salon du livre du Saguenay - Lac-Saint-Jean s'est déroulé du 25 au 28 septembre dernier à Jonquière.

ESTRIE 

Un salon en pleine croissance

En 2005, le Salon du livre de l'Estrie peinait à attirer plus de 9000 visiteurs. Dès l'année suivante, grâce au leadership insufflé par la nouvelle direction, la fête littéraire a pris un réel envol. Aujourd'hui, explique la directrice générale Ghislaine Thibault, près de 15 000 amoureux des livres fréquentent le salon, qui se déroule dans un grand centre de foire. «Nous avons réussi à bonifier notre offre aux exposants, augmenter l'éventail de nos partenaires et gérer de façon plus serrée notre budget. En cinq ans, nous avons effacé notre dette et nous pouvons dire que l'événement est un grand succès», explique-t-elle. Cette année, le thème mettait en vedette l'histoire littéraire au Québec, mais aussi la tradition orale des autochtones. Une particularité qui a été appréciée des visiteurs, affirme Mme Thibault.

Le Salon du livre de l'Estrie s'est déroulé du 16 au 19 octobre dernier à Sherbrooke.

RIMOUSKI 

Un vieux salon qui prend le temps de réfléchir

Rimouski accueille le doyen des salons au Québec. Fondé en 1964 par les membres d'un cercle littéraire féminin, l'événement a adopté depuis trois ans un petit côté intello qui représente bien la capitale du Bas-Saint-Laurent, explique le directeur général Robin Doucet. «Nous avons adopté l'essai comme genre littéraire à l'honneur. L'an prochain, alors que nous célébrerons nos 50 ans, nous organiserons une série de conférences en amont du festival qui aura pour thème Modeler le futur. Cette activité illustre bien l'évolution des salons depuis des années. Nous sommes moins une foire commerciale qu'un lieu de rencontres et de réflexions», affirme-t-il. L'an dernier, près de 200 auteurs sont venus visiter les Rimouskois. Environ 17 000 visiteurs fréquentent les lieux, animés par 300 maisons d'édition réparties dans 200 kiosques.

Le Salon du livre de Rimouski s'est déroulé du 6 au 9 novembre dernier.

Et les éditeurs, dans tout ça?

Les salons du livre sont-ils rentables pour les maisons d'édition qui y participent? C'est la question qu'a posée La Presse à Richard Prieur, directeur général de l'Association nationale des éditeurs de livres (ANEL). «D'entrée de jeu, je dirais non. Ça coûte beaucoup d'argent, c'est rarement une opération profitable, mais il faut passer par là. C'est un incontournable», répond-il. La raison: il s'agit d'une occasion unique pour les maisons d'édition d'avoir un lien direct avec les lecteurs. Or, en raison des coûts associés, impossible de faire chaque année les neuf salons du livre du Québec, affirme M. Prieur. «Tu retrouveras une majorité d'éditeurs dans les trois gros salons que sont Montréal, Québec et l'Outaouais», dit-il.

Photo: tirée de Facebook

Une exposition au Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean.