L'écrivain anglo-montréalais Sean Michaels, qui a remporté lundi soir à Toronto le prix Banque Scotia Giller, était encore sonné hier d'avoir obtenu le prix littéraire le plus prestigieux du Canada.

Négligé dans la course - un panel réuni par le Globe and Mail ne lui avait accordé aucune voix, alors que Miriam Toews était la favorite avec 19 voix pour All my Puny Sorrows! -, il vient de recevoir, à l'âge de 32 ans, une bourse de 100 000$ pour son premier roman, US Conductors.

«C'est incroyable, car tous les autres livres en nomination sont formidables et les auteurs, des inspirations pour moi», dit le journaliste spécialisé en musique, à qui nous avons pu parler quelques minutes au téléphone hier.

Né en Écosse et ayant grandi à Ottawa, Sean Michaels s'est installé à Montréal au début des années 2000, avec un intermède de trois ans en Écosse, de 2004 à 2007. Il est revenu dans le Mile End avec l'impression de rentrer à la maison. «J'étais déjà tombé en amour avec la ville. Pendant les années que j'ai passées en Écosse, j'ai vraiment su qu'il fallait que j'habite ici.»

Étudiant en Cultural Studies à McGill, Sean Michaels avait toujours voulu écrire, mais le tourbillon qu'il vit depuis lundi soir dépasse tout ce qu'il aurait pu espérer. «C'est bouleversant, en ce sens que le monde tourne autour de moi [is spinning around]. C'est difficile de savoir où je suis, qui je suis.»

Une biographie mensongère

US Conductors raconte l'histoire de Léon Thérémine, l'inventeur russe de cet étrange instrument de musique électronique qu'est le thérémine. Mais, avertit l'auteur, ce n'est surtout pas une biographie. «C'est une biographie mensongère», rigole-t-il.

Pas encore disponible en français, son roman est en train d'être traduit par son amie Catherine Leroux - qui vient de remporter le prix France-Québec pour son roman Le mur mitoyen - et sera publié chez Alto en janvier 2016.

«En fait, c'est Nicolas Dickner qui est le premier à avoir porté US Conductors à mon attention», raconte l'éditeur d'Alto, Antoine Tanguay, qui est probablement une des personnes les plus heureuses de cette victoire inattendue. Il peut se vanter d'avoir eu du pif puisqu'il avait acheté les droits de US Conductors bien avant l'annonce de lundi, déjà charmé par «la magie» de ce drôle de roman. «Moi, un livre qui mêle thérémine, kung-fu, espionnage et passion, et qui en plus est bien écrit, j'embarque!»

Sean Michaels, de son côté, est ravi d'être traduit au Québec d'abord. «Je suis reconnaissant de ça. C'est ce qu'il y avait de plus important pour moi, avant toutes les autres traductions ou la diffusion dans le monde anglophone», dit-il, estimant que francophones et anglophones gagneraient à mieux connaître la littérature de l'autre.

Le jeune auteur ne sait pas encore ce qu'il fera des prochains mois, sinon prendre une pause et commencer un autre livre. «Et j'ai très hâte d'être à Montréal ce soir [hier]!», lance-t-il.

Il entend utiliser à bon escient la bourse de 100 000$. «C'est beaucoup d'argent, surtout à Montréal. J'entendais une journaliste de Calgary dire que 100 000$, c'était bon, ça permettait de vivre six mois... Peut-être à Calgary, mais ici, on peut tenir pas mal plus longtemps! Ce qui est certain, c'est que je vais l'utiliser pour continuer à écrire.»