Quand son éditeur Antoine Gallimard a appelé Patrick Modiano pour le féliciter pour son Nobel de littérature, l'écrivain était «très heureux», mais il a répondu avec «sa modestie coutumière, «c'est bizarre»», a raconté jeudi le PDG de Gallimard à l'AFP.

Patrick Modiano déjeunait avec sa femme au restaurant quand il a appris la nouvelle, selon son éditeur.

«J'ai eu Modiano au téléphone. Je l'ai félicité et avec sa modestie coutumière, il m'a dit: «C'est bizarre.» Mais il était très heureux», a expliqué Antoine Gallimard.

«C'est une profonde surprise pour nous et un jour merveilleux», a-t-il poursuivi.

«J'ai reçu un coup de téléphone de l'académie suédoise deux ou trois minutes avant l'annonce officielle. Avec sa discrétion légendaire, je pense à lui (Modiano, ndlr) quand il devra prononcer son discours devant l'académie suédoise», a-t-il ajouté dans un sourire, «et je serai à ses côtés».

Antoine Gallimard pensait «qu'il aurait fallu attendre 30 ans pour qu'un autre Français soit couronné par le Nobel après Le Clézio». Et aussi que ce prix récompensait «plutôt des livres qui brassent les époques, les événements. Là, ils ont choisi une oeuvre qui est dans l'intimité, le mystère», a-t-il noté.

«C'est un très bel hommage que rend à Modiano l'Académie Nobel», juge Antoine Gallimard, qui pense que «Modiano ne s'autoriserait pas à refuser le Nobel, comme l'avait fait Sartre».

«Le Clézio et Modiano ont tout deux refusé», en revanche, d'entrer à l'Académie française et «ce sont tous les deux des auteurs discrets, un peu en marge dans le monde littéraire. On retrouve chez eux tout ce qu'on recherche dans la littérature, ce besoin de mémoire, ce mélange de songe et de réalité», a-t-il encore commenté.

Antoine Gallimard se souvient que le premier livre de Modiano, La place de l'Étoile, en 1968, «avait été amené chez Gallimard par (l'écrivain et journaliste) Jean Cau, un ami de sa mère».

«Son style s'est affiné au fil des ans avec une écriture au laser, où un seul mot peut être tout un monde», dit-il.

L'effervescence était à son comble jeudi au siège de l'éditeur plus que centenaire, au coeur de Saint-Germain-des-Près, à Paris, et c'était le branle-bas de combat pour trouver une salle adéquate pour la conférence de presse de l'écrivain prévue dans l'après-midi et sans cesse repoussée.

Sorti le 2 octobre, le dernier roman de Modiano Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, qui a fait l'objet d'un premier tirage à 60 000 exemplaires, sera sûrement réimprimé après ce Nobel, a indiqué Gallimard.