Le prix Nobel de la littérature sera annoncé jeudi, et bien que les chances qu'un autre écrivain canadien obtienne l'honneur un an seulement après la victoire d'Alice Munro puissent paraître minces, certaines observateurs estiment que les auteurs d'ici pourraient quand même surprendre.

Les chances qu'une plume canadienne soit à nouveau choisie pour recevoir le prix de l'Académie suédoise, à Stockholm, «devraient être les mêmes que tout autre année», croit l'éditeur d'Alice Munro, Douglas Gibson.

«Le prix est ouvert au meilleur auteur du monde, ce qui ne devrait pas - et n'est pas - restreint aux pays qui n'ont pas gagné de Nobel récemment», a-t-il ajouté. «Les auteurs canadiens devraient donc être considérés et avoir une chance.»

Magdalene Redekop, professeure d'anglais à la retraite de l'Université de Toronto et spécialiste d'Alice Munro, ne voit «aucun problème» à ce qu'un autre Canadien l'emporte cette année.

«Je ne crois pas qu'il y ait un système de quotas ou quoi que ce soit du genre.»

Le fondateur du prix Giller Banque Scotia, Jack Rabinovitch, note qu'«une fois que c'est arrivé, ça peut se produire à nouveau».

«Je crois que Margaret Atwood est une écrivaine canadienne extraordinaire et mérite beaucoup de reconnaissance. Elle avait sans doute été considérée lorsqu'Alice Munro a gagné», a-t-il ajouté.

Le nom de Margaret Atwood se trouve sur les listes internationales de favoris pour gagner le prix depuis des années et est «sur toutes les lèvres» au Canada dans les jours précédant l'annonce de jeudi, selon Gibson.

«Margaret, avec l'étendue de son talent en poésie, en fiction, en non-fiction, en critique, et tout, est grandement respectée partout dans le monde, a-t-il souligné. Elle doit être cette année, comme toutes les années, une candidate. Et ce serait merveilleux (qu'elle gagne).»

Mardi après-midi, l'entreprise britannique de paris Ladbrokes plaçait les chances de gagner d'Atwood à 33 contre 1.

Ngugi Wa Thiong'o, du Kenya, était le favori pour l'emporter, avec une cote de 7 contre 2. Il est suivi du Japonais Haruki Murakami, à 9 contre 2, et de la Biélorusse Svetlana Aleksijevitj, à 6 contre 1.

La cote de Margaret Atwood demeure tout de même plus élevée que celle d'autres estimés auteurs tels que Salman Rushdie, Cormac McCarthy, John le Carré et Colm Toibin.

Il faut également souligner que Munro n'était pas la grande favorite l'an dernier non plus.

Le porte-parole de Ladbrokes, Alex Donohue, rappelle que la cote de la Canadienne, l'an dernier, était de 8 contre 1 et qu'Aleksijevitj était la favorite.

C'est pourtant Alice Munro qui est devenue la 110e lauréate du prix Nobel de littérature et la 13e femme seulement à recevoir la distinction lorsqu'elle a gagné à l'âge de 82 ans.

«Avec ce prix, on voit souvent des changements soudains dans les cotes, ce qui peut parfois être intéressant, a expliqué M. Donohue. Au cours des neuf dernières années où nous avons accepté les paris pour ce prix, le favori, au moment où les paris étaient suspendus, l'a emporté à quatre occasions. Nous avons donc une bonne moyenne pour identifier le gagnant à la dernière minute.»

«Il vaut la peine de garder les yeux sur les cotes, qui seront mises à jour jusqu'à la dernière minute jeudi matin.»

Le romancier français Patrick Modiano a vu sa cote changer dans les derniers jours, passant de 50 contre 1 la semaine dernière à 10 contre 1 mercredi.

Le prix Nobel de littérature est remis annuellement à un auteur vivant provenant de n'importe où à travers le monde. Les gagnants sont choisis parmi les écrivains nommés par des individus que l'Académie suédoise juge «qualifiés». Pour le prix de cette année, l'Académie dit avoir reçu 210 nominations valides.

Le décès d'illustres écrivains canadiens, soit Mavis Gallant et Alistair MacLeod, plus tôt cette année a réduit le nombre de candidats du pays pour le prix, selon certains observateurs.

«Je crois que Mavis Gallant aurait dû remporter un Nobel, en plus d'Alice Munro», croit l'écrivaine américaine Francine Prose, qui fait partie du jury pour le prix Giller cette année.

«Ces deux auteurs en particulier ont une renommée mondiale.»

Mais Mavis Gallant n'a pas publié autant de livres que Munro, souligne Redekop, qui croit que la quantité de livres écrits, de même que leur qualité, a de l'importance lorsque l'Académie sélectionne son lauréat.

«Être connu à travers le monde, lu à travers le monde, en traduction, aide énormément, et Margaret Atwood est sans doute, je dirais, la Canadienne favorite pour l'emporter, juge-t-elle. Mais je n'en ai aucune preuve. Ce qui lui reste à faire est de rester vivante. Sérieusement. Le prix n'est pas remis aux morts.»

L'ex-professeure ajoute qu'elle ne croit pas que l'écrivaine de 74 ans gagnera le prix cette année, mais qu'elle espère que cela arrivera un jour.

«Atwood pourrait l'avoir grâce à l'excellence de son écriture et à sa constance, a-t-elle déclaré. Elle a essayé tous les genres imaginables ou presque. Contrairement à Alice Munro, elle a écrit de la poésie fantastique et elle le fait encore, elle s'essaie avec des genres expérimentaux et est plus explicitement une féministe.»

«Elle serait un choix très populaire.»