Alors que ses jumeaux Paul et Henri ont fêté leur premier anniversaire le 9 juillet dernier, Ariane Moffatt émerge peu à peu de sa «sabbatique» maternelle, un événement à la fois. Ainsi, jeudi, c'est elle qui ouvrira ce festival littéraire estival hors du commun que sont les Correspondances d'Eastman.

En musique? Oui, avec un spectacle solo intime, piano-voix, guitare-voix... Mais aussi beaucoup en mots, puisque, tout de suite après ce spectacle, elle participera à la rencontre littéraire autour du livre I(ma)ges & réflexions, émaillé de poèmes, textes et lettres écrits par Ariane Moffatt (octobre 2013, éditions Somme toute). Est-il plus gênant, Ariane, de parler d'un livre que de chanter seule sur une scène?

«Je pense que ça va surtout être gênant de parler devant des gens qui n'ont sans doute pas lu le livre», reconnaît-elle avec un grand rire, pendant que les cymbales, dans son studio montréalais, tombent toutes seules sur le plancher, dans un grand fracas!

«Mais c'est [le poète] Tristan Malavoy-Racine qui va me poser des questions à Eastman, reprend-elle une fois le calme revenu. Il a l'habitude d'animer ce genre de rencontres. Et surtout, c'est Tristan que j'ai consulté pour mes textes dans I(ma)ges & réflexions. C'est un lecteur ferré, rigoureux et, en même temps, la poésie fait partie de lui, il n'en a pas peur, alors...»

Le parrain d'écriture

Alors, avec celui qu'elle surnomme son «parrain d'écriture», Ariane Moffatt n'aura pas peur de parler de ces petites perles que sont, par exemple, ses poèmes Pollen («Toute création un jour ou l'autre voyage/Pollen invisible, porté par le vent») ou Le petit camion («Dans le petit camion/Nous roulons/Bouquet fripé de filles et de garçons/aimant somnoler, abriés de chansons»).

Dans cet ouvrage-bilan constitué essentiellement de photos de la tournée MA (2012-2013) prises par SPG et LePigeon, les textes d'Ariane Moffatt révèlent une auteure à part entière. Et aussi - ce qui est fort à propos quand on participe aux Correspondances d'Eastman - une correspondante dont les lettres s'adressent directement aux lecteurs.

«J'ai toujours écrit mes textes de chansons, constate-t-elle, mais cette expérience d'écrire des mots sans mélodie m'a permis de peaufiner encore plus ce que j'essaie de faire: exprimer le plus de sens possible dans le moins de mots possible. C'était effectivement une correspondance, et d'abord avec moi-même, comme un dialogue intime, sans intermédiaire. Ces textes, je les ai écrits sur la route, pendant la tournée, c'est ensuite que Tristan est venu s'asseoir dans ma cour pour parler virgules et points! J'ai tellement aimé l'expérience de regarder et travailler ma façon d'écrire avec lui que, pour le prochain album, je vais faire passer mes textes dans le «tordeur Tristan»!»

Écrits et Estrie

Car elle travaille au prochain album, pendant que ses jumeaux, de leur côté, apprennent à marcher! Les chansons sont déjà écrites, et Ariane entre en mode enregistrement cet automne, en prévision d'une sortie d'album le printemps prochain, toujours accompagnée de ses musiciens et de Jean-Phi Goncalves.

Aux Correspondances d'Eastman, elle interprétera d'ailleurs quelques-unes de ses nouvelles chansons. Ce qui ne l'empêchera pas de chanter également Poussière d'ange ou de reprendre Parce que je t'aime de Barbara. «On va aussi chanter, Tristan et moi, un très beau poème de Jean Désy, qui est aussi médecin dans le Nord, et que Tristan a mis en musique.» Ce poème (Quelle femme) en duo sortira en mini-album à la fin du mois de septembre.

Qui aurait imaginé, il y a 10 ans, en voyant Ariane Moffatt donner son premier spectacle sur une scène extérieure aux FrancoFolies de Montréal, qu'elle ouvrirait un jour un festival littéraire? «En tout cas, pas moi, lance Ariane, toujours en riant. Et ce qui me fait le plus plaisir, c'est que ça se passe en Estrie: j'ai longtemps eu un chalet à Sutton, ma belle-famille vient de la région, on s'est acheté un nouveau chalet dans le coin... Alors, on va partir en famille pour le spectacle à Eastman!»

Au Cabaret d'Eastman

Ce jeudi à 20h, spectacle musical suivi d'un entretien littéraire, en ouverture des 12es Correspondances d'Eastman. Aussi: exposition de photos par SPG et LePigeon, tirées du livre I(ma)ges & réflexions, dans le jardin du Pont couvert à Eastman, de vendredi à dimanche.

Info: lescorrespondances.ca

Extraits

«J'aurai demandé à une magnifique dame de Carleton d'être ma grand-mère adoptive. J'aurai salué un loup marin pour la première fois lors d'une plongée en dry suit aux Escoumins. J'aurai fait du kitesurf juste avant un show aux Pas Perdus de Cap-aux-Meules. Aperçu ma première aurore boréale en hiver au-dessus du Manoir de Baie-Comeau. [...] J'aurai chanté devant un public en pantoufles dans le Mur de Fermont. [...] Déposé un bouquet sur la tombe de ma grand-mère Angéline à Alma. [...] Qui a dit que le Québec n'était pas exotique?»