Les éditions Harlequin, reines mondiales de la littérature à l'eau de rose avec leurs histoires d'amour entre médecin et infirmière ou entre serveuse et héritier, ont séduit le magnat des médias Rupert Murdoch.

Une des sociétés du milliardaire américain d'origine australienne, News Corp., a annoncé vendredi le rachat de Harlequin Enterprises à son actuel propriétaire canadien Torstar pour 455 millions de dollars canadiens (300 millions d'euros).

Harlequin revendique un livre vendu toutes les 3 secondes rien qu'en France (où sa filiale est détenue en partie par Hachette) et environ 6,28 milliards d'exemplaires écoulés dans le monde depuis sa création en 1949 à Toronto au Canada.

Il publie en 34 langues et sur six continents les oeuvres de plus de 1300 auteurs, qu'il sort à la chaîne avec plus de 110 nouveaux titres par mois.

Le public visé est ouvertement féminin et le principe généralement simple: un héros, une héroïne et une romance contrariée, mais finissant toujours bien.

Médicale, historique, policière, érotique, fantastique, à suspense ou pour jeunes adultes: la recette se décline en plusieurs collections.

Les romans Harlequin sont souvent critiqués pour leur formatage et leurs clichés, une image pas totalement démentie par les conseils d'écriture donnés sur les sites internet de l'éditeur à ses auteurs potentiels.

Avec des variantes selon les collections, il y évoque des héroïnes généralement jeunes, belles, intelligentes et «complexes», à laquelle la lectrice doit pouvoir «s'identifier» et qui sont «poussées dans les bras de héros puissants»: chirurgien de haut-vol, cow-boy «rude et fort», pompier ou riche businessman. Harlequin accepte toutefois aussi depuis peu «les romances entre personnes du même sexe». Le tout avec un degré d'érotisme variable selon les collections, pour «pimenter» l'histoire, mais sans «scènes de sexe gratuites».

Aux côtés du Wall Street Journal

Sur un plan moins glamour, Harlequin a été attaqué il y a quelques années aux prud'hommes en France par des correcteurs s'estimant exploités et a aussi fait l'objet d'un recours en nom collectif d'auteurs s'estimant lésés sur leurs droits aux États-Unis.

Malgré toutes les critiques, Harlequin s'est imposé en 65 ans comme un incontournable du roman à l'eau de rose au niveau international.

Il a aussi pris assez rapidement le tournant du livre électronique, qui s'est ajouté à ses éditions traditionnelles en livres de poche et un peu plus récente en grand format.

La société réalise aujourd'hui 95 % de son chiffre d'affaires (398 millions de dollars canadiens l'an dernier, soit 260 millions d'euros) en dehors de son pays d'origine.

Torstar, un groupe de presse qui édite notamment le plus grand quotidien canadien de langue anglaise, le Toronto Star, en avait pris le contrôle en 1975 et était monté à 100 % du capital six ans plus tard.

Mais soucieux de se désendetter, Torstar a choisi de revendre l'éditeur à Rupert Murdoch.

À 83 ans et fraîchement divorcé de sa troisième femme, le milliardaire vient de scinder son empire en deux pour séparer ses chaînes de télévision (Fox, Sky) et ses studios de cinéma (20th Century Fox) de ses activités d'édition et de presse éclaboussées par un scandale d'écoutes illégales au Royaume-Uni.

C'est la seconde société, News Corp, qu'Harlequin va venir renforcer. Il y rejoindra des titres de presse prestigieux comme le Wall Street Journal ou le Times de Londres, des tabloïds comme le Sun britannique et, surtout, l'éditeur HarperCollins.

Cela donnera à ce dernier, qui publie jusqu'ici 99 % de ses livres en langue anglaise, une couleur plus internationale, mais devrait aussi «élargir massivement ses activités numériques» et donner «un coup de pouce immédiat aux résultats», a commenté le patron de News Corp., Robert Thomson.