La Bavière s'opposera à la publication en Allemagne du pamphlet idéologique d'Adolf Hitler, Mein Kampf, même lorsqu'elle perdra les droits sur l'ouvrage en 2015, mais des universitaires préparant une édition critique ont indiqué mercredi poursuivre leur projet.

Le ministère bavarois des Finances détient ces droits depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et jusqu'à 2015, où ils tomberont dans le domaine public, 70 ans après le suicide d'Adolf Hitler.

Rédigé pendant un séjour en prison en 1924 après une tentative de putsch, ce livre esquisse l'idéologie nazie et violemment antisémite du régime hitlérien.

Il n'est pas interdit par la loi allemande comme le sont par exemple certains signes ostentatoires ou des insignes, mais la Bavière a toujours refusé qu'il soit réédité pour éviter son exploitation par des néonazis.

Mardi, l'exécutif régional a affirmé qu'il poursuivrait quiconque publiera l'ouvrage, même après 2015. Il n'invoquera plus la protection de la propriété intellectuelle, mais l'incitation à la haine raciale.

Le chef de l'exécutif régional, Horst Seehofer, a assuré que cette décision n'allait pas à l'encontre de la liberté scientifique mais qu'une «publication étendue est exclue».

Cette décision contredit un texte voté il y a deux ans à l'unanimité par les élus bavarois pour soutenir une édition critique établie par l'Institut d'histoire contemporaine de Munich. Quelque 500 000 euros ont déjà été versés par le gouvernement régional pour ce projet.

Une porte-parole de l'Institut d'histoire contemporaine a assuré à l'AFP que le projet serait poursuivi, au besoin avec des fonds privés.

«Nous estimons toujours que l'existence d'une édition commentée du livre, qui ne se contente pas de diffuser (le texte de) Hitler sur le marché mais qui permet de le recadrer, est justifiée», a-t-elle indiqué à l'AFP.

À l'époque, les représentants de la communauté juive avaient soutenu le projet.

Le président du Conseil central des juifs d'Allemagne, Dieter Graumann, avait estimé qu'il s'agissait d'«une bonne idée», car si Mein Kampf devait être réédité, autant que ce «soit dans une version (...) avec des commentaires de personnes compétentes plutôt que de voir (certains) faire de l'argent avec».

Mais des organisations représentant les victimes de l'Holocauste ou leurs familles avaient été bien plus critiques.

À la suite d'un déplacement commun en Israël en décembre 2012, l'ancienne présidente du Conseil central des juifs d'Allemagne, Charlotte Knobloch, elle-même survivante des camps de concentration, avait demandé à M. Seehofer d'étudier «la possibilité d'empêcher (juridiquement) la publication du texte pour incitation à la haine raciale».