Il a été la plus célèbre figure de la contestation étudiante de 2012, détesté des uns qui n'ont vu en lui qu'un agitateur, vénéré des autres qui ont vu en lui un futur leader.

Dans son essai Tenir tête, où il revient sur les événements, il se tue à nous expliquer ce qui n'a jamais été compris pendant la crise, à savoir qu'il n'était justement pas un leader, seulement un porte-parole de la CLASSE. Et pour lui, ce qui a fait la force de ce mouvement est précisément le fait qu'il était ingouvernable.

Mais pendant des semaines, sur toutes les tribunes, on l'a exhorté à prendre position sur des questions précises, alors qu'il n'en avait pas le mandat. Et on comprend, à la lecture de son essai, que s'il a respecté ce mandat, il n'en pensait pas moins.

On sent entre les lignes que Gabriel Nadeau-Dubois veut rétablir les faits beaucoup plus que se mettre en valeur, et que dans la tourmente, il a souffert d'être muselé à la fois par son association et par les médias qui martelaient souvent la même question: condamnez-vous la violence? Eh bien oui, il la condamne, mais pas la désobéissance civile. Et tant qu'à parler de violence, il faudrait, selon lui, parler surtout de celle qui s'est déchaînée contre les étudiants, de la brutalité médiatique et policière dont il a lui-même subi les effets intimidants.

L'avenir

Tenir tête tient donc un peu de la revanche de celui qui est enfin libre de dire ce qu'il pense. Mais il évite le piège d'être seulement revanchard en voulant mener le débat plus loin. «Mon essai porte un regard en arrière, mais ce qui m'intéresse vraiment, c'est l'avenir», écrit-il.

Quel est le rôle de l'éducation dans nos sociétés? Les universités «entreprises» ne risquent-elles pas de devenir des «usines à cervelles» pour le libre marché? Pourquoi réduire l'implication citoyenne au seul exercice électoral? Qu'est-ce que le bien commun, le droit d'association? La désobéissance civile n'est-elle pas nécessaire à la démocratie lorsqu'elle s'égare?

Nous découvrons ainsi, à travers plusieurs phrases cinglantes - assénées au néolibéralisme, au gouvernement Charest, à Léo Bureau-Blouin -, un être beaucoup plus posé et réfléchi que celui dont on a pratiquement voulu faire un terroriste au pire de la crise.

Non sans ironie, l'auteur cite les chroniqueurs déchaînés contre lui, et force est de constater qu'avec le recul, nombreux sont ceux qui sont tombés dans le piège de la panique et de la surenchère catastrophiste. Le Québec n'est pas devenu, avec cette crise, ce chaos totalitaire gauchiste qu'on a agité comme un épouvantail. Et GND n'est pas devenu député non plus.

Sont appelés en renfort pour la réflexion Bourgault, Chartrand, Chomsky, Arendt, Hedges, Derrida, entre autres. L'étudiant en philosophie appuie son propos non seulement sur des penseurs, mais aussi sur des études.

De sa génération

Son essai est beaucoup plus terre-à-terre qu'on ne pourrait l'imaginer, pour ceux qui auraient été irrités par le lyrisme souvent poussif des carrés rouges. Il est de cette génération, écrit-il, qui n'a pas vu la chute du mur de Berlin et qui a grandi dans un monde où l'économie recouvre tous les discours, au détriment des aspirations collectives, de la culture, de la démocratie.

Il note que ce sentiment d'impuissance face aux enjeux qui nous touchent est probablement ce qui a rapproché les gens avec leurs casseroles, et ce qui définit le mieux l'irruption de cet épisode de notre histoire, qu'il intègre dans une suite logique d'événements comme le Sommet des Amériques ou la mobilisation écologiste.

Quant aux résultats de cette crise, il reste lucide et ne se pète pas les bretelles. La victoire est modeste, les blessures, nombreuses, le calme suivant la tempête crée un vide chez ceux qui ont été très engagés pendant ce printemps chaud.

Mais pour GND, «cette grève a été l'un des plus vastes chantiers d'éducation civique qu'ait connus le Québec». Certes, cette éducation ne donne pas de diplômes, mais elle crée des citoyens comme Gabriel Nadeau-Dubois, plus nombreux qu'on ne le pense. À juste titre, il peut croire que ce qui a été semé pendant ce printemps risque d'être fertile à long terme.

Extrait

« L'université de l'excellence, quant à elle, est une entreprise dont la fonction est de produire des diplômés ; une université centrée sur sa propre bureaucratie, et dont le plus grand titre de gloire serait d'être une bonne servante de l'économie. Cette université soi-disant ouverte sur le monde, c'està- dire sur le marché global de l'éducation, se ferme en fait sur elle-même, et n'a plus d'autres références que ses propres opérations pour juger de son efficacité. C'est ce vide qu'on appelle l'excellence. »