Le Prix Nobel de littérature remporté par l'Ontarienne Alice Munro est «un honneur remarquable» pour la littérature canadienne, selon l'écrivain québécois Yves Beauchemin.

L'auteur du Matou a d'ailleurs eu l'occasion de rencontrer la nouvelle lauréate il y a quelques années et garde un excellent souvenir d'elle.

«Ce qui frappe, chez Alice Munro, c'est le ton de sa voix, qui est tellement pénétrant et humain, parfois dur, mais (il y a) toujours une empathie extraordinaire et redoutable dans ses textes», a-t-il confié en entrevue à La Presse Canadienne, ajoutant qu'elle lui a dédicacé le livre The Progress of Love, qu'il avait adoré.

Ayant lui même remporté des prix pour ses écrits - rien de comparable à un Nobel, tient-il à préciser -, il peut facilement imaginer les sentiments qui habitent Mme Munro depuis l'annonce de la nouvelle.

«Je pense qu'elle doit être surprise, étonnée, peut-être aussi avec un certain sentiment de crainte, quoiqu'Alice Munro a maintenant une carrière très imposante derrière elle, donc elle n'a plus rien à prouver, a-t-il estimé. J'espère qu'elle n'a pas l'impression de se prendre pour une sorte de monument à caractère plus ou moins funéraire... Il y a des écrivains dans la pleine force de leur créativité qui ont recu ce prix, ce n'est pas un prix qu'on donne en reconnaissance des services rendus!»

En remportant le prix, jeudi, Mme Munro est devenue la première écrivaine d'origine canadienne, mais aussi la 13e femme seulement, à mériter cet honneur. C'est cette victoire féminine que le directeur général de l'Union des écrivaines et des écrivains québécois, Francis Farley-Chevrier, trouve «particulièrement réjouissante».

«C'est un jour important pour l'écriture des femmes», a-t-il indiqué en entrevue téléphonique.

M. Farley-Chevrier souligne également le fait que le prix souligne «cette année la nouvelle comme genre littéraire, qui est injustement méconnu».

Alice Munro s'est en effet distinguée comme nouvelliste, depuis la parution de son premier recueil, Dance of the Happy Shades, publié en 1968, jusqu'à son dernier, Dear Life, sorti en 2012.

«Ça fait longtemps qu'elle est reconnue comme l'une des meilleures écrivaines du genre au monde, en langue anglaise. Depuis longtemps, les mordus de la nouvelle attendaient que, peut-être, elle remporterait (le Nobel)», a jugé la professeure spécialiste en littérature canadienne-anglaise de l'Université Laval, Elspeth Tulloch.

«Ce qui est intéressant chez Munro c'est que ses nouvelles ne sont pas des nouvelles classiques. Elle a réinventé, en quelque sorte, la nouvelle. (...) J'espère que ça va mettre l'accent sur ce genre, qui est un peu boudé ici», a pour sa part confié la poète, romancière et nouvelliste québécoise Carole David, qui travaille actuellement sur son propre recueil de nouvelles.

L'écrivaine souligne par ailleurs le «drôle de hasard», qui fait qu'une auteure canadienne reçoive une telle reconnaissance peu après qu'un compatriote, David Gilmour, eut suscité la controverse en lançant en entrevue qu'il n'était «pas intéressé à enseigner des livres écrits par des femmes» dans le cours qu'il donne à l'Université de Toronto.

«On n'est même pas obligés de lui répondre! Il y a une réponse, comme ça, qui est donnée par l'attribution du prix Nobel», a-t-elle souligné, le sourire dans la voix.