Tout le monde va mal dans ce premier roman irrésistible du Britannique Sam Byers, Idiopathie (Seuil), y compris les vaches qui succombent à une étrange épidémie, emblématique de la folie d'un monde où cynisme et narcissisme sont rois.

«C'est devenu tellement populaire d'être cynique. Ne pas l'être, ce n'est pas cool, et ça c'est un péché mortel!», sourit l'auteur de 34 ans à l'allure juvénile dans un entretien à l'AFP.

Ce roman aux dialogues impitoyables, traduit en neuf langues et déjà un succès outre-Manche, est paru en juin aux États-Unis. Il sortira en France le 22 août.

Maître de l'autodérision «so British», Sam Byers vit à Norwich, dans le Norfolk. Il a mis quatre ans à peaufiner cette comédie cinglante, qui dissèque les failles d'une génération anxieuse et individualiste. Le journal anglais The Telegraph l'a désigné comme l'un des cinq meilleurs romanciers de l'année.

«Cette génération de trentenaires a grandi avec l'idée qu'il fallait analyser ses sentiments, en parler, trouver son bonheur en se demandant sans cesse «que dois-je penser? Ce que je ressens est-il normal ?» Et cette obsession d'eux-mêmes les paralyse», remarque Sam Byers, de passage à Paris.

Dans Idiopathie, il y a la sarcastique Katherine, qui n'aime rien ni personne. La trentaine acerbe, coincée dans un emploi à Norwich qu'elle dit détester, elle se complaît dans le conflit et déprime. Son ex, le raisonnable Daniel, qui travaille dans un centre de recherche biologique, ne se porte guère mieux, empêtré dans une relation faussement fusionnelle avec sa nouvelle compagne Angelica, une écolo bobo. Les «je t'aime» se doivent de rythmer chacune de leurs paroles...

Et puis il y a Nathan, qui fut leur ami et pourvoyeur de drogue. Il fera un séjour en psychiatrie pour une tentative de  suicide, un événement dont sa mère s'emparera sans scrupule pour pondre un témoignage, en passe de devenir un best-seller. Tous trois vont se retrouver lors d'une soirée explosive. Quant aux vaches, elles sont décimées par une épidémie dont les symptômes ne sont rien d'autre qu'une métaphore du malaise général.

«La mère de Nathan est indéfendable, celle de Katherine, insupportable. Les relations entre parents et enfants sont un autre thème du roman. Et ce n'est pas à sens unique. Les torts sont en quelque sorte partagés», ajoute Sam Byers.

«Aujourd'hui, les jeunes vivent une très longue adolescence, contrairement à leurs parents qui étaient déjà installés, avec un conjoint, un boulot, un enfant, à 25 ans», relève l'auteur. «Même si ce n'était pas mieux avant».

La roman reste ouvert. «On sent que leur vie va continuer, changer, pour le meilleur ou pour le pire. L'histoire n'est qu'un épisode. Il n'y a pas de happy end mais de l'espoir. De toute façon, les fins heureuses ne sont pas réalistes», assure-t-il.

Ses personnages sont des anti-héros, plutôt antipathiques. Une difficulté pour le lecteur? Il s'en défend. «Vous n'êtes pas tenus d'être ami avec les personnages d'un roman!», s'exclame-t-il.

Sam Byers, qui travaille à mi-temps pour les services sociaux de Norwich, commence un nouveau livre. «Cette fois, je plonge dans une autre génération. Qu'est-ce que ça veut dire d'avoir 75 ans dans notre société? En Angleterre, on regarde les personnes âgées d'un très mauvais oeil».