La seule adoption d'une loi sur la réglementation du prix du livre ne résoudrait pas d'office tous les problèmes des librairies québécoises. Il reste que l'ensemble de la chaîne québécoise du livre - auteurs, éditeurs, distributeurs, libraires et bibliothécaires - fait montre d'une belle unanimité en réclamant du gouvernement ce «prix réglementé» des nouveautés qui existe en maints pays et dont la Commission parlementaire sur la culture doit bientôt étudier la pertinence.

La 5e Journée interprofessionnelle de l'Association des libraires du Québec (ALQ), qui s'est tenue mercredi à l'UQAM devant quelque 80 personnes, a amené peu de nouveau sur le fond de la problématique de l'industrie québécoise du livre qui, on le sait, doit faire face à d'énormes défis d'ordre économique, structurel et technologique.  

La marge bénéficiaire moyenne des librairies québécoises est de moins de 1%, selon le président de l'ALQ, Serge Poulin, qui rappelle que le seuil de «santé» se situait à 4%. Ce niveau minimal permettrait d'embaucher assez de libraires compétents - à 11,50$ l'heure, il faut assurément être «passionné» - pour pouvoir gérer efficacement les 35 000 nouveautés qui se disputent annuellement l'espace dans les étalages en plus de 30 000 titres «de fond» (qui ne représentent encore que 4% des 750 000 titres de l'inventaire francophone).  

Faute de moyens, les libraires tardent aussi à se mettre à la nouvelle heure technologique dans leurs systèmes de gestion interne - certains inventaires ne sont pas encore informatisés - et dans le marketing, notamment dans le cybercommerce. Ainsi, les chiffres du CEFRIO (cefrio.qc.ca) dévoilés mercredi donnent à croire que le portail commercial ruedeslibraires.com, où 90 librairies indépendantes du Québec offrent plus de 250 000 titres, n'a pas encore pris sa place dans les habitudes des cyberacheteurs québécois, dont le tiers fait affaire avec le géant Amazon.

Des progrès sont tangibles, certes, mais seule une rigoureuse campagne de conscientisation pourra amener les Québécois au réflexe «citoyen», comme l'a souhaité Gilda Routy, présidente du Salon du livre, de transférer au cybercommerce la confiance qui unit déjà l'acheteur traditionnel de livres à son libraire en chair et en os. Et si riche de bons conseils...

Entre-temps, les grandes surfaces offrent des rabais tels qu'ils accaparent une bonne partie des ventes de best-sellers, québécois et autres, des revenus sans lesquels les librairies indépendantes se disent incapables de progresser. D'où la demande au gouvernement de fixer un plafond de rabais sur les nouveautés pendant neuf mois.

La chaîne du livre s'impatiente, réclame «une date», mais pour l'heure, la Commission de la culture et de l'éducation se penche depuis mardi sur l'important projet de loi 14, qui modifierait la Charte de la langue française et la Charte des droits et libertés. On verra comment ce vaste débat touchera celui sur la «bibliodiversité».