Un ingénieur québécois des pâtes et papiers qui écrit sous un pseudonyme. Une intrigue dans laquelle le physicien Isaac Newton, père des cours de physique 101, fait enquête sur un complot contre le roi, sur fond de tensions scientifiques et religieuses.

Newton, la science du complot, de Matthew Farnsworth, est une espèce rare au Québec: un roman policier scientifique anglophile. La fascination de l'auteur pour les balbutiements de la révolution industrielle rappelle les His Dark Materials de Philip Pullman, magie en moins.

«J'ai eu l'idée du roman voilà une dizaine d'années, en lisant une histoire des débuts de la Société royale», explique l'auteur, Québécois francophone «pure laine» qui a pris un pseudonyme à la suggestion de son éditeur pour faciliter les ventes internationales. Il a toutefois beaucoup apprécié cette possibilité de «compartimenter». «Ces gens-là ont vécu le début de la révolution scientifique. Je n'avais jamais voulu écrire de roman, mais là, c'était différent. Ça m'a pris deux ou trois ans pour trouver une manière de rendre le récit moins aride, en faisant des liens avec les événements sociaux, religieux et politiques de cette époque. Puis sept ans pour écrire, avec des faux départs.»

On sent, au fil des pages, une fascination pour l'Angleterre, même un lien affectif avec la mère patrie de l'un des deux peuples fondateurs. «C'est difficile à ignorer. Ça fait aussi partie de notre passé. J'ai une affinité personnelle avec la culture et la tradition anglaises.»

Sur le plan scientifique? «Au niveau culturel aussi. J'ai lu beaucoup sur l'histoire de l'Angleterre, elle est assez riche, avec la tradition parlementaire qui a évolué lentement à partir de la Magna Carta jusqu'à nos jours, alors que dans d'autres pays, comme la France, la dominance de la royauté a mené à de grosses tensions qui ont explosé.»

La passion de la science et de l'Angleterre est-elle un héritagefamilial? «Pas vraiment, mon père avait l'un des derniers magasins généraux dans l'Outaouais, j'ai des professeures parmi mes soeurs et mes tantes. Jeune, j'ai beaucoup lu de la littérature française du XIXe siècle, Balzac, Dumas, les Bob Morane d'Henri Vernes et des bédés. Mais je me suis rendu compte assez tôt que j'avais un certain goût pour les maths, pour leur esthétique, mais aussi pour réaliser des choses. J'ai toujours aimé construire, la mécanique, l'ébénisterie.»

Quels auteurs aime-t-il actuellement? «Je lis beaucoup Dan Simmons et Neil Stephenson, mais aussi les auteurs québécois comme Michel Tremblay et Yves Beauchemin.» Dan Simmons fait dans l'horreur et la science-fiction, mais s'inspire de classiques comme le Décaméron de Boccace. Quant à Neil Stephenson, il s'agit d'un romancier «cyberpunk», qui a aussi écrit un essai sur les relations historiques entre les systèmes d'exploitation Windows, Dos et Linux.

Il est assez rare qu'un Québécois francophone choisisse un nom de plume anglophone. Qu'a-t-il pensé des tensions linguistiques qui ont marqué l'automne? Matthew Farnsworth ne s'y attarde pas, mais met son grain de sel d'ingénieur dans le débat sur le taux d'imposition des riches: «Il faut arrêter de se plaindre et agir. Les cinq prochaines années seront extrêmement critiques pour le Québec, dit-il. C'est là que va se décider la capacité des usines à s'adapter aux nouveaux matériaux spécialisés, aux nouveaux procédés. Il va falloir beaucoup de recapitalisation.»

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Newton, la science du complot. Matthew Farnsworth. Québec Amérique. 461 pages.

Extrait Newton, la science du complot

«La Société royale est en contact avec un large réseau de philosophes et de mathématiciens ici et sur le continent. Ceux-ci, en général, nous communiquent les résultats de leurs travaux mais parfois ils portent aussi à notre attention des problèmes non résolus. Avec les années, nous avons accumulé une bonne réserve de ces énigmes philosophiques. Nous avons l'habitude de soumettre une de ces énigmes à un membre qui nous donne sa première conférence pour voir ce qu'il pourra en tirer.»