À l'approche de l'attribution du prix Nobel de littérature, décerné jeudi, les milieux littéraires suédois essaient de déterminer un portrait-robot du potentiel lauréat, et estiment qu'une femme ou un Nord-Américain seraient un choix logique.

Les noms de la Canadienne Alice Munro, des Américains Don DeLillo et Philip Roth et du Somalien Nuruddin Farah reviennent souvent dans les conversations, alors que l'Égyptienne Nawal el Saadawi et l'Américain N. Scott Momaday font figure d'outsiders.

«Je peux seulement supposer et spéculer, c'est amusant et incroyablement palpitant», se réjouit Elisabeth Grate, responsable de la maison d'édition qui publie en Suède Jean-Marie Gustave Le Clézio, lauréat 2008.

«On ne peut jamais savoir ou deviner comment l'Académie suédoise qui décerne le prix réfléchit», dit à l'AFP Lina Kalmteg, critique littéraire au quotidien Svenska Dagbladet. Toutefois, «il ne semble pas qu'ils aient eu beaucoup plus de réflexions que d'habitude sur qui ils vont choisir», a-t-elle ajouté.

Après le poète suédois Tomas Tranströmer en 2011, «ce qu'on peut imaginer cette année est que ce ne sera pas un poète et pas un Suédois, certainement pas un Suédois en tous cas», a-t-elle précisé.

«On peut penser que ce sera un auteur d'Amérique du Nord, un homme peut-être comme Don DeLillo ou Philip Roth», considère Mme Grate. Mais «ça serait bien avec une femme».

«Je trouve qu'il est toujours temps pour une femme, il y a trop peu de femmes lauréates», renchérit une responsable de la maison d'édition Norstedts, Susanna Romanus. Depuis 1901, le prix a été décerné à seulement 12 femmes, sur 108 lauréats.

«Puisqu'il y a si peu de femmes qui ont reçu le prix, la dominance masculine parmi les lauréats peut être vue comme politique, de la même manière que le fait que peu d'écrivains de cultures et langues non européennes aient eu le prix» peut être aussi considérée comme politique, a affirmé pour sa part Bengt Söderhäll, président de la société Stig Dagerman.

Cette organisation attribue chaque année un prix en l'honneur de l'écrivain suédois et a, à deux reprises lors des huit dernières années, récompensé un auteur qui s'est vu décerner le prix Nobel quelques mois plus tard: l'Autrichienne Elfriede Jelinek en 2004 et le Français Le Clézio.

Cette année, elle a attribué son prix à Nawal el Saadawi, un nom que l'Académie pourrait choisir. «Ça pourrait être envisageable, ça irait avec le monde arabe et c'est une femme», a affirmé Mme Grate.

Les Canadiennes Alice Munro, auteur de nouvelles, un genre qui n'a jamais été récompensé par le Nobel, et Anne Carson, poète, sont également des candidates sérieuses.

Le Nobel récompense l'ensemble des oeuvres d'un auteur. Le Britannique Rudyard Kipling, 41 ans à l'époque, et le Français Albert Camus, âgé alors de 44 ans, sont parmi ses plus jeunes récipiendaires. Si «le lauréat avait moins de 40 ans, ça serait sensationnel», estime-t-elle. Pour Mme Kalmteg, «ça semble complètement improbable qu'on donne le prix à quelqu'un autour de 40 ans. On doit avoir eu le temps de prouver quelque chose».

«Les noms de jeunes écrivains reviennent dans les discussions comme celui de la Française Nina Bouraoui mais elle est un peu jeune», a-t-elle ajouté.

Chez les parieurs, le Chinois Mo Yan et le Japonais Haruki Murakami sont favoris mais ne provoquent pas l'enthousiasme des spécialistes.

«Murakami est l'un de ceux qui va avoir le prix Nobel au cours de sa vie. Ca serait chouette (...) seulement, si on cherche à récompenser quelqu'un qui renouvelle la littérature je préférerais que Nuruddin Farah ait le prix», estime M. Söderhäll.

Les nominations au prix Nobel de Littérature sont tenues secrètes et le processus de sélection n'est rendu public que 50 ans après la remise du prix. L'Académie est réputée pour ses méthodes dignes des romans d'espionnage afin d'éviter toute fuite, utilisant des noms de codes pour les auteurs et de fausses couvertures pour les livres lus en public par les jurés.

Le nom du lauréat sera dévoilé jeudi matin.