La dystopie revêt beaucoup d'importance en littérature cette année. Ce genre littéraire mettant en scène un monde proche du nôtre, mais terriblement déprimant, a connu un regain de popularité avec le succès de la trilogie The Hunger Games et du premier film à en être tiré. Et l'un des auteurs les plus connus du genre, Ray Bradbury, auteur de Fahrenheit 451, est mort tout juste avant l'été, ravivant l'intérêt pour le genre.

Signe des temps, la littérature pour ados regorge de dystopies, du moins dans le monde anglo-saxon. Au point que des critiques se sont inquiétés: l'été dernier, une chroniqueuse littéraire du Wall Street Journal a fait des vagues en dénonçant le côté sombre et violent de nombreuses oeuvres pour adolescents, visant tout particulièrement les Hunger Games et les autres dystopies.

Quatre séries

Un rapide tour d'horizon des librairies permet de relever quatre séries. Dans Divergence, de Veronica Roth, Chicago est dominée par cinq clans, chacun cultivant une vertu; à 16 ans, les adolescents passent un test pour être admis dans l'un des clans. Carbon Diaries, de Saci Lloyd, est plus réaliste, décrivant la vie dans une Londres soumise à une dictature écologiste imposant le calcul de chaque gramme de carbone émis dans l'atmosphère. Delirium, de Lauren Oliver, et Éphémère, de Lauren DeStefano, se déroulent dans des villes américaines anonymes et tournent toutes deux autour du contrôle de la vie amoureuse des jeunes femmes par des sociétés totalitaires. Deux tomes sont parus en anglais pour chaque série, mais un seul a été traduit en français. La série de Lauren Oliver a été entièrement traduite.

Veronica Roth a une explication toute simple pour la popularité des dystopies: nous vivons dans une époque remarquablement heureuse. «Pour explorer le côté sombre du monde, on doit se trouver dans un endroit assez confortable», explique-t-elle depuis l'Utah, où elle se trouve dans le cadre d'une tournée nord-américaine de signatures et de lectures. «Les adolescents n'ont pas une vie parfaite, mais suffisamment stable pour s'aventurer à imaginer des sociétés qui tourneraient mal.»

Des mots-clés

La romancière de 22 ans n'était pas particulièrement portée vers les dystopies quand elle était ado. «Il y avait moins de choix. J'ai évidemment lu et aimé 1984 et Brave New World, même si ces lectures étaient obligatoires à l'école. Le seul livre que j'ai lu à l'époque qui s'approche de l'offre actuelle est The Giver de Lois Lowry. Quand j'ai décidé d'écrire, je me suis rendu compte que ce que j'avais en tête pouvait facilement faire partie du genre dystopie, qui commençait à être à la mode. Pour être publié aux États-Unis, un auteur doit définir son oeuvre avec des mots-clés qui en facilitent la vente.»

La série Passeur

Au fait, le quatrième tome de la série du Passeur de Lois Lowry devrait paraître plus tard cette année en anglais (les trois premiers tomes ont été traduits). The Giver, publié en 1993, apparaît régulièrement parmi les livres les plus populaires auprès des profs d'anglais des États-Unis et du Canada (y compris à Montréal). Lowry, qui a 75 ans, y décrit un monde où les émotions sont interdites.

«À l'époque, il y avait aussi une controverse à propos de la noirceur de The Giver, se rappelle Mme Roth. Il est certain que les parents ont le droit de guider leurs enfants dans leur choix de lecture. Mais quand on cache aux adolescents les côtés sombres de la vie, ils s'en rendent compte et se méfient des adultes. Sans compter qu'on ne leur rend pas service. Plusieurs personnes voient les dystopies comme des allégories des ratés de notre société, par exemple les téléréalités dans le cas de Hunger Games